Certaines options de théâtre s’emparent cette année de cette thématique.
Au lycée Fénelon, par exemple, Nausicaa Palau a choisi le thème : « Partir »
La pratique s'organise autour de deux axes.
Dans un premier temps ont été abordées les parties chorales du texte Migrants et un extrait de Maudits les Innocents. Comment mettre en espace cette figure récurrente des œuvres alors que les espaces des deux fables sont différents ? Qu'est-ce qu'un groupe qui dit le même texte d'une seule voix – ou pas, selon Sonia Ristic? Ce travail de choeur oblige incite à explorer la confrontation de l'individu et du groupe, tel le personnage de l'émigré face au choeur de Daral Shaga. Les élèves musiciens contribuent à développer cette sensibilité pour tous.
Il faut encore s 'approprier la violence inhérente à ces écritures pour en explorer la langue et faire des élèves praticiens des passeurs qui expérimentent la parole comme acte.
Au même moment, l'actualité cinématographique rejoint cette actualité pédagogique.
Les migrants et le théâtre de l'opprimé: Entre les frontières d'Avi Mograbi (sortie 9 janvier 2017)
C’est précisément en utilisant un dispositif théâtral que le réalisateur isréalien Avi Mograbi a choisi de questionner le statut de réfugié dans son film Entre les frontières, . Parti à la rencontre de demandeurs d’asile africains retenus par l’Etat d’Israël dans un camp situé dans le désert du Néguev, Avi Mograbi a proposé à ces hommes venus d’Erythrée et du Soudan de participer à un atelier théâtre sous la direction du metteur en scène Chen Alon.
Après être passés par toutes les étapes de la pratique d’atelier (échauffements, jeux destinés à faire naître la confiance entre les partenaires, chant choral), les demandeurs d’asile sont invités à mettre en images et en situations leur histoire dans des exercices d’improvisations inspirés du Théâtre de l’Opprimé d’Augusto Boal. Confronté un temps au découragement des participants, l’atelier trouvera un second souffle lorsque le réalisateur invitera des Israéliens à se joindre aux réfugiés pour ces temps de pratique théâtrale.
Le choix de ce dispositif pour entrer en relation avec les demandeurs d’asile et pour sensibiliser les spectateurs au sort des personnes déplacées n’a rien de fortuit : il montre au contraire que ce qui se joue dans la pratique théâtrale, c’est bien le rapport à l’altérité, le processus d’identification, l’expérience sensible de l’incarnation et du changement de point de vue. « Rien qu’en me mettant à sa place, j’apprends beaucoup » dira l’une des Israéliennes après un temps de jeu.
Ce film qui nous montre un espace théâtral surgi du désert, où des migrants venus d’Afrique et des Israéliens acceptent de jouer leur situation, permettra aux élèves de questionner à la fois le lien entre pratique du théâtre et empathie, et les multiples sens du mot « engagement », qu’il s’agisse de l’engagement du corps dans l’espace ou de l’engagement politique.
Le site Zérodeconduite.net, consacré à l’actualité éducative du cinéma, met à disposition des professeurs un dossier pédagogique rédigé par Caroline Fauchon, professeure de Lettres et théâtre, pour aborder le film avec les élèves, et un entretien avec le sociologue Clément Poutot, sociologue, spécialiste du Théâtre de l’Opprimé :
http://www.zerodeconduite.net/entrelesfrontieres/dossier_pedagogique.html