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1981, abolition de la peine de mort en France

Il y a 40 ans, l’abolition de la peine de mort était votée en France. Voulue par le candidat à la présidentielle François Mitterrand en 1981, portée par le jeune garde des Sceaux Robert Badinter dans les premières semaines du mandat présidentiel de François Mitterrand, l’abolition de la peine capitale est l’une des réformes majeures de la période 1974-1988. Elle inscrit l’arrivée de la gauche au pouvoir sous le signe de la rupture mais sort la France de la barbarie. Les dernières paroles de Robert Badinter prononcées devant les députés le 17 septembre 1981 imposent en effet un choix moral : « Demain, grâce à vous la justice française ne sera plus une justice qui tue. Demain, grâce à vous, il n'y aura plus, pour notre honte commune, d'exécutions furtives, à l'aube, sous le dais noir, dans les prisons françaises. Demain, les pages sanglantes de notre justice seront tournées. » 

Marie-Pierre Jolly, professeure au lycée Montaigne dans le 6e arrondissement, propose des pistes pédagogiques pour aborder ce point de passage du nouveau programme de tronc commun d'histoire en terminale.

Ressource Canopé : un dossier complet publié à l'occasion du 40e anniveraire de la peine de mort

Objectifs

La place dans les programmes

BOEN spécial n° 8 du 25 juillet 2019

Programme d’Histoire, tronc commun terminale

« Les relations entre les puissances et l’opposition des modèles politiques, des années 1930 à nos jours »

Thème 3 : les remises en cause économiques, politiques et sociales des années 1970 à 1991.

Chapitre 2. Un tournant social, politique et culturel, la France de 1974 à 1998. (Chapitre visant à montrer les mutations sociales et culturelles de la société française pendant une période marquée par de nombreuses réformes et l’émergence de nouvelles questions politiques.)

Articulation de la démarche

  • La séance sur l’abolition de la peine de mort s’intègre dans une séquence de 5 heures qui met en avant les spécificités de la période 1974-1988 à l’échelle de la France : période de fort renouvellement politique, de mutations culturelles, de stigmatisation de certaines catégories sociales ; période qui s’inscrit dans la continuité des mouvements de libéralisation, de contestation de 1968.
  • Cette séance sur l’abolition de la peine de mort porte sur l’un des trois points de passage et d’ouverture du chapitre et met en avant une des deux réformes sociales phares de cette période qui touchent l’intégrité humaine : la peine de mort et l’IVG.
  • Elle intervient après trois séances d’une heure : une première séance introductive sur les bornes chronologiques de la période étudiée et sur ses spécificités ; une seconde sur une présentation de réformes sociales (mesures en faveur des femmes, de la jeunesse, des immigrés) et culturelles (médias, éducation) majeures qui se poursuivent malgré l’alternance politique ; une troisième sur la légalisation de l’avortement ; une dernière consacrée enfin à l’abolition de la peine de mort. C’est donc cette dernière heure de séance qui est ici présentée. 2 heures y sont consacrées.
  • Pourquoi l’abolition de la peine de mort en 1981 illustre-t-elle, comme la légalisation de l’avortement l’avait déjà fait en 1975, un tournant dans la France des années 1974-1988 ?

 

Séance 1. 1 heure

Axe 1 : l’engagement d’un acteur politique pour l’abolition de la peine capitale.

Axe 2 : état des lieux de ce qu’est la peine de mort en 1981.

Séance 2. 1 heure

Axe 3 : le vote de l’abolition : un choix moral.

Description

Organisation de la séance (2 heures)

Pourquoi avoir pris le parti d’associer l’abolition de la peine de mort à une autre réforme sociétale majeure : l’IVG ?

Ces deux réformes majeures de société qui se déroulent à 6 ans d’intervalle sont :

  • deux combats avec des oppositions très marquées donc risqués politiquement pris en début de mandat par deux présidents de la République, nouvellement élus.
  • deux réformes portées par une femme et un homme, sensiblement du même âge (48 ans ; 53 ans), qui n’ont à l’époque aucune expérience politique (aucun mandat électif, parlementaire …) mais une expérience professionnelle et qui n’ont pas la reconnaissance de l’opinion publique d’aujourd’hui.
  • deux acquis historiques : deux choix de conscience ; l’un pour la dépénalisation de l’avortement ; l’autre pour l’abolition de la peine capitale.

Commment aborder ces deux changements sociétaux majeurs ?

  • Un tableau complété au fur et à mesure de la séance permet de les étudier. La proposition présentée ici ne porte que sur l’abolition de la peine de mort.
  • Chaque axe de la séance permet de compléter une ligne du tableau.
  • Un tableau récapitulatif est glissé à la fin de la proposition.

 

Deux lois

1975

Légalisation de l’IVG

1981

Abolition de la peine de mort

Deux combats incarnés par des acteurs politiques engagés

Simone Veil

1927-2017

Robert Badinter

1928

 

Deux combats qui bousculent l’ordre établi

 

 

Deux discours qui vont faire date

 

 

Les clivages politiques traditionnels dépassés

 

 

Des changements sociétaux majeurs

 

 

Commment étudier l’abolition de la peine de mort ?

Composition du corpus documentaire 

  • Des extraits de L’Exécution, Robert Badinter, Grasset, 1973.

  • Des extraits sonores et écrits du discours de Robert Badinter, ministre de la Justice à l’Assemblée nationale le 17 septembre 1981.

https://www.vie-publique.fr/discours/135557-discours-de-m-robert-badinter-ministre-de-la-justice-sur-labolition

  • Des clichés photographiques :

  • La Une du quotidien Libération du 17 septembre 1981 ;

  • La guillotine dans une cour de la prison de la Santé ;

  • La sortie du palais de justice du fourgon des condamnés à mort au procès de Clairvaux en 1972 ;

  • La Une du quotidien Le Parisien du 18 septembre 1981 rappelant l’arrestation de Patrick Henry en 1975, sa condamnation à la réclusion à perpétuité en 1977 et la question qui se pose au lendemain de l’abolition : quelle peine maintenant ?

  • Des graphiques :

  • Les résultats du vote de l’abolition de la peine de mort par le Parlement.

  • L’évolution de l’opinion française sur la peine de mort depuis 1978.

  • Un planisphère sur la situation de la peine de mort dans le monde actuel.

Séance 1. 1 heure

Axe 1 : partir de l’acteur politique, Robert Badinter.  

  • Biographie de Robert Badinter demandée en amont de la séance (travail à la maison) ; sollicitation d’un élève volontaire en début de la séance pour une présentation orale et sans notes, de Robert Badinter.

  • Présentation qui doit mettre en parallèle les deux figures étudiées: âge, formation, absence d’expérience politique, la déportation (de Simone Veil, du père de Robert Badinter), l’arrivée à des responsabilités politiques en début de mandat.

  • Présenter Robert Badinter en 1981: ce qu’il est à ce moment là.

  • Ministre de la Justice du gouvernement Mauroy ; remplace le ministre initialement choisi, Maurice Faure, qui démissionne au bout de 2 mois.

  • Jeune ministre, garde des sceaux qui n’a pas d’expérience politique mais qui connait le domaine de la justice : avocat pénaliste ; les affaires qui l’ont fait connaître (Procès de Clairvaux 1972 ; affaire Patrick Henry 1975)

  • Il défend un projet de loi qui lui tient à cœur, projet inscrit dans le programme de campagne présidentielle de F. Mitterrand. Il veut agir vite avant la reprise de l’activité des cours d’assises en octobre et éviter ainsi que des condamnations à la peine capitale soient encore prononcées.

  • Insister sur le contexte de début de mandat, de l’alternance politique, de l’arrivée de la gauche au pouvoir (Réactiver les leçons précédentes ; frise chonologique du manuel en appui)

Objectifs

  • Montrer que ce combat politique est donc un combat incarné par un acteur engagé, déterminé, par un spécialiste de la justice et dans un contexte propice à la rupture, au changement.

  • Interpeler les élèves sur les parallèles à établir entre R. Badinter et S. Veil.

  • Deux interviews de Robert Badinter :

https://www.lhistoire.fr/parution/mensuel-357   6min d’écoute.

https://www.franceculture.fr/emissions/linvite-des-matins/peine-de-mort-35-ans-dabolition-en-france-le-combat-continue   19 min d’écoute

Axe 2 : présenter ce que représente la peine de mort en 1981 (pour la justice française, pour l’avocat pénaliste Robert Badinter et à l’échelle mondiale)

  • Rappeler que la peine capitale est une sentence judiciaire controversée depuis 2 siècles mais toujours en vigueur; qu’elle s’applique dans les faits pour les auteurs de crimes contre les personnes ; qu’elle peut être levée par la grâce présidentielle (François Mitterrand y est favorable tout comme l’était Valery Giscard d’Estaing mais pas de façon systématique, pour ce dernier ; la dernière exécution a donc lieu en 1977 sous sa présidence).

  • Interpeler les élèves sur le fait qu’en 1981, huit condamnés à mort attendent la guillotine dans les couloirs des prisons françaises.

  • Expliquer que cette pratique judiciaire est associée à un instrument: la guillotine. Elle est utilisée pour exécuter les jugements pénaux mais lors des procès militaires, l'exécution se fait au peloton.

Document 1

Nous arrivâmes. La rue de la Santé était barrée des deux côtés par des policiers. (…) J'entrais dans la cour. La guillotine était là. Je ne m'attendais pas à la trouver tout de suite devant moi. Je m'étais imaginé qu'elle serait cachée quelque part, dans une cour retirée. Mais c'était bien elle, telle que je l'avais vue, comme chacun de nous sur tant de vieilles photographies et d'estampes. Je fus surpris cependant par les montants, très hauts, très minces qui se découpaient sur la verrière, derrière elle. Par contraste, le corps de la machine me parut petit, comme un coffre assez court. Mais telle quelle, avec ses deux grands bras maigres dressés, elle exprimait si bien la mort qu'elle paraissait la mort elle-même, devenue chose matérialisée dans cet espace nu. L'impression était encore renforcée par ce dais noir immense tendu comme un vélum ou un chapiteau sur toute la cour. Il cachait ainsi la guillotine aux regards qui, d'en haut, auraient pu plonger sur elle.

L’Exécution, Robert Badinter, Grasset, 1973 (pp. 182-183) 

Document 2

peine de mort Installation de la guillotine dans l’enceinte de la prison de la Santé. 

Installation de la guillotine dans l’enceinte de la prison de la Santé.

peine de mort Une de Libération le jour de la présentation du projet de loi par R. Badinter à l’Assemblée nationale 

Une de Libération le jour de la présentation du projet de loi par R. Badinter à l’Assemblée nationale

 

  • Aborder en parallèle l’extrait de L’Exécution et une photographie de la guillotine dans la cour de la prison de la Santé. Associer les mots de Robert Badinter, son ressenti, à l’image de la guillotine.

  • Description de la guillotine, de l’atmosphère ressentie, du lieu de l’exécution.

  • Montrer l’inhumanité de l’instrument, son archaïsme en s’appuyant sur la citation de Robert Badinter. « Guillotiner : c’est prendre un homme vivant et le couper en deux morceaux ». Insister sur la barbarie de l’acte qui rappelle les pires moments de la Terreur révolutionnaire.

  • Faire comprendre que si la contestation de cette sentence judiciaire est ancienne (elle a été portée par des hommes de gauche depuis la Révolution française : Lepeletier de Saint-Fargeau, Hugo, Jaurès, Camus …), elle est reprise par un homme qui avant d’être garde des Sceaux y a été confronté en tant qu’avocat pénaliste ; certains de ses clients ont été condamnés à mort (condamnations qu’il n’a pas toujours pu empêcher).

 

Document 3  

  • Présentation des deux procès par le professeur
  • 1972 : procès de Clairvaux (prise d’otages à la maison centrale de Clairvaux qui se solde par deux morts ; affaire très médiatisée) ; R. Badinter assiste à l’exécution de son client Roger Bontems, non gracié par le président Pompidou pourtant contre la peine de mort.

  • 1977 : procès Patrick Henry (meurtre d’un enfant de 7 ans par un adulte de 23 ans) ; R. Badinter obtient l’acquittement de son client. Il transforme sa plaidoirie en réquisitoire contre la peine de mort. C’est la première médiatisation de son combat pour l’abolition. Mais l’opinion publique reste défavorable à l’abolition de la peine de mort.

  • Replacer l’engagement de Robert Badinter dans le contexte plus large du combat abolitionniste mondial en prenant appui sur les articles 3 et 5 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 qui affirment

Le droit à la vie pour le premier, l’interdiction de la torture, des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants pour le second.

Document 4 : extraits de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948

 

Article 3

« Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne. »

Article 5

« Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. »

 

 Séance 2. 1 heure

Axe 3 : présenter à partir d’extraits sonores et écrits du discours du 17 septembre 1981 le coup de force et les arguments de Robert Badinter pour convaincre les députés à voter le projet de loi. 

  • Interpeler les élèves sur le fait qu’il faut avant tout convaincre l’opinion publique plus que les parlementaires.
  • Un sondage du Figaro révèle le jour du vote du projet de loi à l’Assemblée nationale que 62 % des Français sont contre l’abolition de la peine de mort.
  • Si le vote à l’Assemblée nationale est acquis (majorité à gauche), celui du Sénat est plus difficile car la majorité demeure de droite ; Robert Badinter jouera sur la forte sensibilité européenne des sénateurs le 30 septembre en rappelant que la peine de mort n’existe plus nulle part en Europe occidentale.
  • Faire relever à partir d’extraits écrits mais aussi sonores du discours du 17 septembre 1981, les arguments de Robert Badinter pour convaincre.

 

Document 4

Discours de M. Robert Badinter, ministre de la Justice, sur l'abolition de la peine de mort, à l'Assemblée nationale le 17 septembre 1981.

Extrait n°1

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, j'ai l'honneur au nom du Gouvernement de la République, de demander à l'Assemblée nationale l'abolition de la peine de mort en France. (…)


Je regarde la marche de la France. 
La France est grande, non seulement par sa puissance, mais au-delà de sa puissance, par l'éclat des idées, des causes, de la générosité qui l'ont emporté aux moments privilégiés de son histoire. 
La France est grande parce qu'elle a été la première en Europe à abolir la torture malgré les esprits précautionneux qui, dans le pays, s'exclamaient à l'époque que, sans la torture, la justice française serait désarmée. La France a été parmi les premiers pays du monde à abolir l'esclavage, ce crime qui déshonore encore l'humanité. 
Il se trouve que la France aura été, en dépit de tant d'efforts courageux l'un des derniers pays, presque le dernier - et je baisse la voix pour le dire - en Europe occidentale, dont elle a été si souvent le foyer et le pôle, à abolir la peine de mort. (…)

(…) Le Président de la République a fait connaître à tous, non seulement son sentiment personnel, son aversion pour la peine de mort, mais aussi, très clairement, sa volonté de demander au Gouvernement de saisir le Parlement d'une demande d'abolition, s'il était élu. Le pays lui a répondu : oui. 
Il y a eu ensuite des élections législatives. Au cours de la campagne électorale. il n'est pas un des partis de gauche qui n'ait fait figurer publiquement dans son programme... 
Le pays a élu une majorité de gauche ; ce faisant, en connaissance de cause, il savait qu'il approuvait un programme législatif dans lequel se trouvait inscrite, au premier rang des obligations morales, l'abolition de la peine de mort. 
Lorsque vous la voterez, c'est ce pacte solennel, celui qui lie l'élu au pays, celui qui fait que son premier devoir d'élu est le respect de l'engagement pris avec ceux qui l'ont choisi, cette démarche de respect du suffrage universel et de la démocratie qui sera la vôtre. 

Extrait n°2 : extrait sonore de la 10ème à la 12ème min. https://www.ina.fr/video/I00004546

(…) En fait, ceux qui croient à la valeur dissuasive de la peine de mort méconnaissent la vérité humaine. La passion criminelle n'est pas plus arrêtée par la peur de la mort que d'autres passions ne le sont qui, celles-là, sont nobles. 
Et si la peur de la mort arrêtait les hommes, vous n'auriez ni grands soldats, ni grands sportifs. Nous les admirons, mais ils n'hésitent pas devant la mort. D'autres, emportés par d'autres passions, n'hésitent pas non plus. C'est seulement pour la peine de mort qu'on invente l'idée que la peur de la mort retient l'homme dans ses passions extrêmes. Ce n'est pas exact. 
Et, puisqu'on vient de prononcer le nom de deux condamnés à mort qui ont été exécutés, je vous dirai pourquoi, plus qu'aucun autre, je puis affirmer qu'il n'y a pas dans la peine de mort de valeur dissuasive : sachez bien que, dans la foule qui, autour du palais de justice de Troyes, criait au passage de Buffet et de Bontems : "A mort Buffet ! A mort Bontems !" se trouvait un jeune homme qui s'appelait Patrick Henry. Croyez-moi, à ma stupéfaction, quand je l'ai appris, j'ai compris ce que pouvait signifier, ce jour-là, la valeur dissuasive de la peine de mort ! (…)

Extrait sonore de la 46ème à la 49ème min. https://www.ina.fr/video/I00004546

(…) Cette sorte de loterie judiciaire, quelle que soit la peine qu'on éprouve à prononcer ce mot quand il y va de la vie d'une femme ou d'un homme, est intolérable. Le plus haut magistrat de France, M. Aydalot, au terme d'une longue carrière tout entière consacrée à la justice et, pour la plupart de son activité, au parquet, disait qu'à la mesure de sa hasardeuse application, la peine de mort lui était devenue, à lui magistrat, insupportable. Parce qu'aucun homme n'est totalement responsable, parce qu'aucune justice ne peut être absolument infaillible, la peine de mort est moralement inacceptable. Pour ceux d'entre nous qui croient en Dieu, lui seul a le pouvoir de choisir l'heure de notre mort. Pour tous les abolitionnistes, il est impossible de reconnaître à la justice des hommes ce pouvoir de mort parce qu'ils savent qu'elle est faillible. 
Le choix qui s'offre à vos consciences est donc clair : ou notre société refuse une justice qui tue et accepte d'assumer, au nom de ses valeurs fondamentales - celles qui l'ont faite grande et respectée entre toutes - la vie de ceux qui font horreur, déments ou criminels ou les deux à la fois, et c'est le choix de l'abolition ; ou cette société croit, en dépit de l'expérience des siècles, faire disparaître le crime avec le criminel, et c'est l'élimination. 

Intégralité du discours à retrouver sur
https://www.vie-publique.fr/discours/135557-discours-de-m-robert-badinter-ministre-de-la-justice-sur-labolition

  • Badinter pose l’abolition comme inéluctable pour exclure tout débat autour d’une peine de substitution : abolir la peine de mort pour une autre peine. Il demande de se prononcer pour une abolition simple, totale et définitive, « sans aucune réserve, aucune restriction. » ce qui rappelle Victor Hugo dans Le Dernier jour d’un condamné publié en 1829.
  • L’argument historique : il pose l’abolition comme inéluctable au regard du passé historique de la France, de la patrie des Droits de l’Homme, de l’Europe, des démocraties. Il pose un combat qui est légitime historiquement : l’abolition s’inscrit dans le temps long (DDHC de 1789, abolition de l’esclavage en 1848…).
  • L’argument politique : il pose l’abolition comme inéluctable car faisant partie du programme du président élu par les Français, ce qui légitime le projet.
  • L’argument plus « personnel » : la peine de mort n’a aucune valeur dissuasive, aucune efficacité sur la courbe de la criminalité. La justice n’est pas infaillible : elle est rendue par des hommes et l’erreur judiciaire est possible. Le droit de vie ou de mort sur un homme est une trop lourde responsabilité, y compris pour des magistrats professionnels.

 

Objectif : montrer que l’abolition de la peine de mort dépasse les clivages politiques traditionnels et que son vote est un choix moral, un choix de conscience qui se pose à chaque parlementaire : on est pour ou contre décider de la mort d’autrui ; quelques personnalités de droite s’associeront à la majorité parlementaire pour la voter. Jacques Chirac en 2007, constitutionnalisera l’abolition.

Conclusion

Souligner qu’en 1981, la France est le 37e Etat au monde à abolir la peine de mort et qu’aujourd’hui une quarantaine d’Etats est toujours favorable à la peine capitale ou la prononce ; que 114 pays l’ont abolie ; que 28 observent un moratoire sur les exécutions. Les 5 pays qui ont le plus exécuté au monde en 2019 : Chine, Iran, Arabie saoudite, Irak puis Égypte (657 exécutions connues en 2019 pour l’ensemble des Etats cités).

Montrer que ce droit acquis en France en 1981, constitutionnalisé en 2007, est selon le contexte encore débattu (attentats terroristes, assassinats d’enfants). En Europe, un seul Etat prononce encore la sentence ultime : la Biélorussie.

Document 5

peine de mort Document extrait du manuel de terminale Livre scolaire (1) 

Document extrait du manuel de terminale Livre scolaire

peine de mort Document extrait du manuel de terminale Livre scolaire (2) 

Document extrait du manuel Nathan Cote.

 

Document 6 La peine de mort aujourd’hui dans le monde.

Peine de mort aujourd’hui dans le monde (1)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

https://webapps.france-diplomatie.info/infographies/Carte-de-la-peine-de-mort.html

Deux lois

1975

Légalisation de l’IVG

1981

Abolition de la peine de mort

Deux combats incarnés par des acteurs politiques engagés

Simone Veil a 48 ans en 1975.

 

  • Jeune ministre de la Santé (milieu qu’elle ne connait pas ; elle est magistrate) et seule femme ministre du gouvernement Chirac.

 

  • Libéralisation voulue dès l’élection  de Valery Giscard d’Estaing 

 

  • Placer le mandat sous le signe de la modernité. Pari courageux car la droite majoritaire est très divisée ; gauche favorable si aucune restriction apportée.

 

  • Rappels : Loi de 1920 qui interdit l’avortement ; 1967 : légalisation de la pilule contraceptive par la loi Neuwirth

 

Robert Badinter a 53 ans en 1981.

  • Jeune ministre de la Justice, garde des Sceaux du gouvernement Mauroy ; n’a pas d’expérience politique mais connait le domaine judiciaire :  il est avocat pénaliste ; le Procès de Clairvaux 1972 et l’affaire Patrick Henry en 1975 l’ont fait connaître et ont médiatisé son combat. 

 

  •  Le projet de loi qu’il défend lui tient à cœur ; il était inscrit dans le programme de campagne présidentielle de F. Mitterrand.

Deux combats qui bousculent l’ordre établi

  • IVG : un délit ; clandestin donc dangereux dans les milieux populaires ; à l’étranger
  • Débat dans la société :

Associations féministes

1971 : « L’appel des 343 » Pétition de 343 femmes célèbres ou non qui avouent avoir avorté et réclament la légalisation de l’avortement.

1972 : « Procès de Bobigny »

Avocate et militante féministe Gisèle Halimi obtient l’acquittement d’une mineure violée qui s’est faite avorter.

 

  • Un combat législatif féminin soutenu par quelques hommes : V. Giscard d’Estaing, J. Chirac.

 

      

  • Ce qu’est la peine de mort en 1981 : une sentence judiciaire contestée depuis 2 siècles mais toujours en vigueur ; une sentence associée à la guillotine, symbole de la barbarie humaine.

Deux discours qui vont faire date

  • Cherche à convaincre sa propre famille politique, très divisée.
  • Une réforme progressiste pour une droite conservatrice.
  • Répondre à une situation d’urgence sanitaire, à une situation de détresse (clandestinité …)
  • Se place sur le terrain de la « détresse », de la « dignité » et de la « responsabilité » de la femme.
  • Deux points sur lesquels elle n'entend pas céder : seule la femme peut décider de procéder ou non à l'IVG, et seul un médecin peut pratiquer l'intervention.

 

  • Le coup de force de R. Badinter : poser l’abolition comme inéluctable.
  • Ses arguments (détaillés ci-dessus) : historiques, politiques, personnels.

Les clivages politiques traditionnels dépassés

  • Soutien de la gauche ; faible soutien de la majorité présidentielle.
  • Un choix de conscience plus que qu’un choix politique car l’intégrité humaine est ici en cause.

 

Des changements sociétaux majeurs

  • La femme est libre de disposer de son corps. Renversement moral, philosophique important.
  • 1974 : loi provisoire adoptée pour 5 ans et entérinée en 1979. Pas besoin d’être en situation de détresse pour recourrir à l’IVG.
  • Aboutissement d’un débat qui divise la France depuis deux siècles
  • Rend compte de la prise en compte grandissante des droits de l’homme dans les démocraties occidentales.
  • La France devient le 37 ème Etat abolitionniste dans le monde
  • Une avancée des Droits de l’Homme
  • De moins en moins de pays abolitionnistes

 

Bibliographie - sitographie

  • Deux interviews de Robert Badinter sur l’abolition de la peine de mort :

https://www.lhistoire.fr/parution/mensuel-357   6 min d’écoute.

https://www.franceculture.fr/emissions/linvite-des-matins/peine-de-mort-35-ans-dabolition-en-france-le-combat-continue   19 min d’écoute

  • L’Exécution, Robert Badinter, Grasset, 1973.

De la page 175 à la page 190 (version du Livre de poche) : de l’annonce du Parquet général de l’exécution de Roger Bontems fixée à quatre heures et demie du matin à l’exécution.

  • Discours historique sur le vote du projet de loi à l’Assemblée nationale :

Version écrite : https://www.vie-publique.fr/discours/135557-discours-de-m-robert-badinter-ministre-de-la-justice-sur-labolition

Version sonore : https://www.ina.fr/video/I00004546