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Sonnets amoureux du XVIe siècle

Cécile AKIL, professeure formatrice académique et enseignante au lycée Jean Drouant - Ecole Hotelière de Paris, commente ici une activité proposée à des élèves de Seconde. Les consignes données aux élèves apparaissent sur fond bleu, les textes étudiés sur blanc l'appareillage didactique complémentaire sur fond vert tandis que la mise en perspective didactique est donnée sur fond rose . Une version modifiable est téléchargeable en bas de page pour réutilisation.

Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie ; j’ai chaud extrême en endurant froidure : la vie m’est et trop molle et trop dure. J’ai grands ennuis entremêlés de joie. Tout à un coup je ris et je larmoie, et en plaisir maint grief tourment j’endure ; mon bien s’en va, et à jamais il dure ; tout en un coup je sèche et je verdoie. Ainsi Amour inconstamment me mène ; et, quand je pense avoir plus de douleur, sans y penser je me trouve hors de peine. Puis, quand je crois ma joie être certaine, et être au haut de mon désiré heur, il me remet en mon premier malheur.

 

Si jamais il y eut plus clairvoyant qu'Ulysse,
Il n'aurait jamais pu prévoir que ce visage,
Orné de tant de grâce et si digne d'hommage,
Devienne l'instrument de mon affreux supplice.

Cependant ces beaux yeux, Amour, ont su ouvrir
Dans mon coeur innocent une telle blessure,
-Dans ce coeur où tu prends chaleur et nourriture-
Que tu es bien le seul à pouvoir m'en guérir.

Cruel destin ! Je suis victime d'un Scorpion,
Et je ne puis attendre un remède au poison
Que du même animal qui m'a empoisonnée !

Je t'en supplie, Amour, cesse de me tourmenter !
Mais n'éteins pas en moi mon plus précieux désir,
Sinon il me faudra fatalement mourir.

Je vous envoie un bouquet que ma main

Et des amours desquelles nous parlons,

Las ! le temps non, mais nous, nous en allons,
Et comme fleurs périront tout demain.
Cela vous soit un exemple certain

Qui ne les eût à ce vêpre cueillies
Que vos beautés bien qu'elles soient fleuries
Et tôt serons étendus sous la lame ;
Le temps s'en va, le temps s'en va, ma Dame,

Vient de trier de ces fleurs épanies ;
Quand serons morts, n'en sera plus nouvelle ;
En peu de temps cherront toutes flétries
Chutes à terre elles fussent demain.

Pour ce, aimez-moi cependant qu'êtes belle.

VieilleFilant

Vieille femme filant la laine devant sa porte

 

Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,
Assise auprès du feu, dévidant et filant,
Direz, chantant mes vers, en vous émerveillant :
Ronsard me célébrait du temps que j’étais belle.

Lors, vous n’aurez servante oyant telle nouvelle,
Déjà sous le labeur à demi sommeillant,
Qui au bruit de mon nom ne s’aille réveillant,
Bénissant votre nom de louange immortelle.

Je serai sous la terre et fantôme sans os :
Par les ombres myrteux je prendrai mon repos :
Vous serez au foyer une vieille accroupie,

Regrettant mon amour et votre fier dédain.
Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain :
Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie.

 

Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avoit desclose
Sa robe de pourpre au Soleil,
A point perdu ceste vesprée
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au vostre pareil.

Las ! voyez comme en peu d'espace,
Mignonne, elle a dessus la place
Las ! las ses beautez laissé cheoir !
Ô vrayment marastre Nature,
Puis qu'une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir !

Donc, si vous me croyez, mignonne,
Tandis que vostre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez vostre jeunesse :
Comme à ceste fleur la vieillesse
Fera ternir vostre beauté.