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Parcours n°1 sur l'oeuvre de Wajdi Mouawad

Mouawad Ce travail autour des trois premières pièces de la tétralogie de Wajdi Mouawad a été proposé à une classe à projet artistique de 3e, au collège Courteline, en partenariat avec le Théâtre de Chaillot.

Objectifs

Découvrir et aborder la tragédie par le spectacle vivant

Les élèves de cette classe, ayant choisi l’option classe PAC-théâtre dès le mois de juin, voient dès la rentrée les pièces de trilogie, successivement, en une quinzaine de jours. Certains d’entre eux ne sont jamais allés au théâtre auparavant. Il peut sembler invraisemblable d’engager dans une pareille gageure des jeunes gens de quatorze ans. C’est ignorer l’impact de l’œuvre de Wajdi Mouawad sur les adolescents : ceux qui ont vu à Gennevilliers, les jeunes, debout dans la salle, crier et pleurer la fin de la représentation de Forêts, me comprendront.

N.B. : Les textes cités (en italique) sont ceux de Philippes Noisette pour le site site du Théâtre de Chaillot (http://theatre-chaillot.fr/theatre/littoral ). Les images proposées sont celles de Jean-Louis Fernandez.

Description

I. Littoral, 2h40

Littoral (Théâtre de Chaillot)

Ce premier volet de la trilogie de Wajdi Mouawad conte l’histoire d’un orphelin, Wilfrid, qui apprend la disparition de son père qu’il n’a jamais connu. Wilfrid décide alors de lui offrir une sépulture dans son pays natal, un ailleurs dévasté par la guerre où les cimetières sont hélas pleins. À travers une série de rencontres, Wilfrid entreprend de retrouver le fondement même de son existence et de son identité. Une quête non sans douleur. Wajdi Mouawad, lors de l’écriture du texte, a partagé ses interrogations avec les comédiens embarqués dans l’aventure de Littoral. « De quoi avons-nous peur ? » Les acteurs ont alors parlé de l’amour, de la joie, de la peine, de la douleur, de la mort. Littoral est une pièce – j’ajouterais, « notamment »- nourrie de toutes ces questions existentielles ». Elle porte aussi ces questions récurrentes de la guerre civile, de la responsabilité des aînés sur les jeunes générations auxquelles ils laissent un monde déchiré par les querelles et la guerre.

Avant le spectacle :

  1. Notion de trilogie. Demander aux élèves de formuler des hypothèses sur le sens du titre : Le Sang des Promesses.
  2. Analyse d’image : La colère de Wilfried. Dossier Pièces (dé)montées, n°83 p. 14. : http://crdp.ac-paris.fr/piece-demontee/pdf/ciels_total.pdf
    1. En utilisant la fiche proposée par Jean-Marie Bourguignon pour la lecture de l'image, dîtes ce qui peut déclencher, selon vous, semblable colère ?
  3. « Rencontre » avec l’auteur et metteur en scène : http://www.youtube.com/watch?v=RLVdVAgbpwE
  4. Que comprenez-vous de ces propos ? De ces images ? Qu’est-ce qui confirme ou infirme vos hypothèses précédentes ?
  5. Mise en voix d’un extrait de Littoral, Le Sang des Promesses, fiche n°1.
  6. Qui sont ces personnages ? Qu’apprend-on sur eux ? Justifiez vos réponses.
  7. Selon vous, où et quand se déroule cette scène ? Justifiez vos réponses.
  8. Êtes-vous touchés, intéressés, émus ? Pourquoi ?
  9. Le Sang des Promesses, Fiche n°2

Après la représentation

  1. Au brouillon, les élèves indiquent ce qu’ils ont aimé/ pas aimé. Chacun d’eux lit ce qu’il a écrit et se contente de souligner, sans le répéter un point de vue déjà énoncé par un ou plusieurs camarades. Obligation est faite à chacun d’écouter les autres. Cela permet de donner la parole à tous les élèves et de leur faire entendre leur diversité mais aussi de faire émerger l’identité sensible du groupe-classe. Cela crée de la rencontre et du lien.
  2. Classement, au fur et à mesure, de leurs appréciations dans un tableau : on fait prendre ainsi conscience de la notion de travail artistique. On distribue aux élèves la « Fiche guide de l’analyse théâtrale » établie essentiellement à partir du livre incontournable de Chantal Dulibine et Bernard Grosjean, Coup de théâtre en classe entière, Scérén, CRDP, Académie de Créteil. Les élèves travaillent en groupes : chacun d’eux se centrant sur un ou deux domaines artistiques.

 

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L’espace scénique

 

 

Le décor

 

 

Les objets scéniques

 

 

La lumière

 

 

Le son

 

 

Les comédiens en scène

 

 

Les costumes

 

 

La mise en scène globale

 

 

La place et les réactions du public

 

 

  1. Les élèves s’expriment aussi sur ce qui les a touchés et affinent leurs remarques et hypothèses concernant les répliques présentées dans la Fiche n°2.
  2. Pour répondre aux questions que ne manquent pas de poser les élèves concernant la complexe guerre civile du Liban, on peut s’appuyer sur la Fiche n°3 Vocabulaire et en utiliser le corrigé.
  3. Les élèves ont très envie ensuite de « rencontrer » Wajdi Mouawad. Afin de préparer cette rencontre, entre la classe et lui, je vous invite à voir et écouter cette vidéo : http://www.theatre-contemporain.tv/video/Rencontre-avec-Wajdi-Mouawad-questions-du-public-1210

Elle permet de découvrir l’artiste et de comprendre une foule de choses : ses liens avec son histoire (le Liban, la langue arabe, sa famille), la manière dont il est venu au théâtre (contre Tchékhov et une certaine conception des cours d’art dramatique), son travail (comment il interroge les acteurs et passe six semaines avec eux autour de la table, sa conception de la mise en scène), son écriture, son tempérament d’artiste. C’est drôle, débordant de vie et tellement simple et complexe à la fois. Des passages, voire l’ensemble de l’enregistrement, sont intéressants et utiles pour les élèves.

Une mise en voix du texte publié dans Pièces (dé)montées n° 55, octobre 2008 est possible. J’ai cependant préféré demander aux élèves quel extrait de la pièce ils souhaitaient lire et jouer. Mise en espace et en voix de deux scènes.

Littorale2

II. Incendies, 2h40

Incendies1

http://theatre-chaillot.fr/theatre/incendies

« Deuxième étape de cette trilogie, Incendies met en lumière le parcours de jumeaux, Jeanne et Simon, qui découvrent le testament de leur mère, Nawal, » et l’obligation de retrouver un père qu’ils croyaient mort et un frère dont ils ignoraient l’existence. « Dans le livre des heures de cette famille, des drames insoupçonnés les attendent, qui portent les couleurs de l’irréparable. »
Incendies, selon Wajdi Mouawad, est « l’histoire de trois histoires qui cherchent leur début, de trois destins qui cherchent leur origine pour tenter de résoudre l’équation de leur existence et de trouver derrière la dune la plus sombre, la source de beauté ». Un voyage tragique une Liban qu’ils ignorent, dans le conflit entre les factions chrétiennes et musulmanes, l’obscurantisme et l’horreur qui font un bien triste sort aux enfants marqués, car c’est de tragédie à la façon de Sophocle dont il s’agit, par la faute des aînés1

Avant le spectacle

On fera entendre le résumé de la pièce, les attentes qu’elle crée en écoutant la voix de Wajdi Mouawad et en regardant quelques unes des images de mise en scène du spectacle à Avignon. On pourra choisir d’en analyser une et demander aux élèves ce qu’il se passe, selon eux…

  1. Même s’il est dit par Wajdi Mouawad, que le lieu de l’action de cette pièce n’est pas défini, sa trame complexe reste selon moi très imprégnée des drames du Liban. Il m’a semblé utile de demander aux élèves de lire, avant le spectacle, la Fiche n°5 Le Sang des Promesses, Incendies. Quels échos peuvent avoir, selon eux, les deux parties de la fiche ?
  2. Donner aux élèves un extrait de : 2. Dernières volontés, p. 13 (à partir de la didascalie lecture du testament) jusqu’en haut de la page 16 « Pourquoi ?! ». Mettre en voix le texte en deux temps : l première partie jusqu’à : Silence. Silence. Silence p. 14. On interroge les élèves :
    http://www.youtube.com/watch?v=EIwoe0FXv2k&NR=1 
    • Qui sont les héros ?
    • Pourquoi et comment la quête commence-telle?
    • Quel en est le but ?

On envisage les liens possibles avec la tragédie classique en s’appuyant sur ce que les élèves en connaissent, notamment avec le mythe d’Œdipe. On peut les lancer dans la lecture d’Œdipe le Maudit, de Marie-Thérèse Davidson, Histoires noires de la Mythologie ©Editions Nathan 2003. On les invite à s’interroger: quelle faute originelle a bien pu être commise dans Incendies, par qui ?

Après la représentation

  1. Laisser parler l’émotion des élèves et se taire.
  2. Reprendre éventuellement, ensuite, la fiche n°4 pour répondre aux questions inévitables concernant Le Liban.
  3. Distribuer la fiche n°5 qui comporte des activités de groupe et dont on fait rapidement la synthèse en désignant un rapporteur par groupes. On aborde la structure de la tragédie classique et l’on distribue aux élèves quelques extraits de la pièce de Sophocle, Œdipe roi : Le prologue et un court extrait de la confrontation avec Tirésias dans le premier épisode jusqu’à, par exemple « Les choses arriveront d’elles-mêmes quand mon silence les cacherait ». On demande aux élèves d’avoir lu le texte pour une date que l’on définit avec eux et de souligner ce qu’ils ont compris du texte.

Incendies2

III. Forêts, 3h45

Forêts1

   http://theatre-chaillot.fr/theatre/forets

Avant le spectacle

  1. Commenter l’image de couverture du dossier pédagogique de Pièces (dé)montées n°83, de juillet 2009. On y voit une des images du spectacle, avec notamment, à l’arrière-plan, l’héroïne, Loup. Il n’échappe pas aux élèves qu’elle est « gothique ». Cela permet de faire une petite recherche sur cette mode, les groupes que les jeunes qui suivent ce mouvement écoutent, leur univers et ce qu’ils expriment à travers ces choix esthétiques et vestimentaires.
  2. On demande ensuite quels sont les points communs possibles entre le titre de la pièce, le prénom de son héroïne et son « look ». Quelles hypothèses les élèves peuvent-ils formuler sur ce spectacle ?
  3. Sachant que cette pièce est aussi, presque intégralement, une tragédie, on invitera les élèves à chercher quelle(s) faute(s) originelle(s )à/ont été commise(s).

À travers les destins croisés de sept femmes liées par le sang, toutes entraînées par les grands bouleversements historiques du XXe siècle, Forêts remonte aux sources des fêlures humaines, intimes, familiales, historiques. Forêts tresse le fil des origines de Loup et au-delà d’Aimée sa mère, ainsi que d’Odette, Hélène, Léonie, Ludivine, Sarah et Luce. Pour Wajdi Mouawad, Forêts est le récit de ces femmes qui, suite à un événement qui s’abat sur la plus jeune d’entre elles, se retrouvent brutalement face à l’incohérence de leur existence. » C’est à nouveau vers la Grande Histoire, mais d’Europe cette fois, la grande guerre, la déportation notamment. Cette pièce est un labyrinthe foisonnant et complexe, plein de rires, de larmes et de cris, montée comme un roman policier dont on espère, tendu, que Loup va sortir vivante

Après la représentation

  1. On tente de reconstituer le parcours foisonnant et très anachronique de la pièce en s’appuyant sur les femmes : Odette, Hélène, Léonie, Ludivine, Sarah et Luce.
  2. A quels évènements du XXème siècle cette pièce renvoie-t-elle ? Un travail serait possible en liaison avec le professeur d’histoire, ce que je n’ai pas fait : c’eût été trop fastidieux et il me semble qu’un travail trop long sur une œuvre, tue l’œuvre.
  3. Avec Wajdi Mouawad, on improvise. Pousser les tables, ou mieux aller au gymnase, dans le préau, au réfectoire, dehors s’il fait beau. Distribuer aux élèves la fiche n°6 et leur demander de se mettre par groupes de trois.

Consignes : sélectionnez dans la feuille qui vous a été distribuée, quelques répliques qui vous interpellent, que vous aimeriez dire. A partir d’elles, improvisez, à trois une brève scène que vous auriez aimé voir jouer par les acteurs de Wajdi.

Laisser quelques minutes de préparation. Mise en place du jeu.

Consignes de jeu :

  • on écoute parfaitement les autres, on les respecte (pas de ricanement, un silence et une attention parfaite) et on accueille leur proposition avec bienveillance.
  • Ceux qui jouent parlent fort, s’adressent vraiment au public.
  • Si l’on se trompe, ce n’est pas grave, on reprend.
  • On enchaîne les saynètes

Et après...

En bilan les élèves ont rempli la fiche n°7 pour consolider les connaissances acquises sur les tonalités. Reste à lancer l’étude du texte de Sophocle. On pourrait penser que les élèves, lassés de tant de théâtre aient envie de passer à tout à fait autre chose. Les miens, lassés de tant de douleur, mais passionnés par le théâtre et touchés par l’histoire d’amour de Nawal et Wahab dans Incendies ont demandé à découvrir ce dont Wajdi Mouawad s’était inspiré et dont ils ne connaissaient guère que le titre : Roméo et Juliette de Shakespeare. J’ai lancé l’étude de la pièce à partir des films et les élèves, par groupes, ont travaillé, avec un questionnaire sur les scènes d’amour. Ils en ont appris des extraits, les ont joués….

Nous sommes aussi allés voir, à leur demande, le magnifique film de Denis Villeneuve, avons travaillé sur la notion d’adaptation….

Mais c’est une autre histoire.