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Le gaspillage alimentaire

Le rapport de la commission de l'agriculture et du développement rural et les avis de la commission de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire et de la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs, considérant que, chaque année en Europe, de plus en plus de denrées alimentaires saines et comestibles (jusqu'à 50 % selon certaines estimations) sont gaspillées tout au long de la chaîne agroalimentaire, y compris jusqu'au stade du consommateur, et deviennent des déchets.

Parmi les propositions du rapport pour lutter contre le gaspillage alimentaire, la redistribution gratuite ou à prix promotionnels des denrées alimentaires non conformes du point de vue de leur calibre et de leur forme, ainsi que celles proches de leur date de péremption est plusieurs fois présentée par les députés européens. Cette redistribution consisterait, pour les détaillants, à diminuer substantiellement le prix des produits alimentaires frais quand ils approchent de leur date limite de vente. Outre un aspect de réduction des stocks, cette démarche présente un avantage clair pour les consommateurs, notamment ceux à faible revenu, en leur permettant d'acquérir des denrées alimentaires à un prix bon marché. Mais un obstacle persiste : certains Etats membres interdisent la vente à perte de nourriture. Les eurodéputés déplorent cette situation et incitent ces Etats à changer leur législation.

Une autre solution est proposée dans le domaine de la passation des marchés publics. Les députés invitent ainsi la Commission européenne à mettre en œuvre des règles dans ce domaine afin de privilégier les entreprises qui garantissent la redistribution gratuite des invendus et qui encouragent les actions concrètes en vue de la réduction du gaspillage alimentaire. Toujours dans ce domaine spécifique, les eurodéputés s'adressent aux Etats membres et leur demandent de veiller à ce que les petits producteurs locaux puissent participer aux marchés publics, notamment ceux en rapport avec la promotion de la consommation de fruits et de produits laitiers dans les écoles

Un important aspect environnemental à prendre en compte

L'impact environnemental du gaspillage alimentaire est impressionnant. En effet, comme le souligne les députés européens, "les montagnes de nourriture non consommée" entraînent une production très importante de méthane, gaz à effet de serre 21 fois plus puissant que le dioxyde de carbone. Cette production est due à la fois aux rejets gazeux de la production des denrées alimentaires, mais également au conditionnement et au transport de celles qui seront jetées.

En outre, les députés encouragent les Etats membres à promouvoir la production durable à petite et moyenne échelle, liée à la consommation et aux marchés locaux et régionaux. Pour ce faire, ils demandent également à la Commission européenne, dans le cadre de la future politique agricole commune (PAC), de garantir des financements suffisants pour encourager le secteur primaire, ainsi que les filières courtes ou à kilomètre zéro.

Les députés européens souhaitent, d'autre part, que la Commission européenne se penche sur l'impact d'une politique coercitive des déchets sur les comportements de gaspillage alimentaire. Se positionnant pour la mise en place d'une telle politique, ils souhaitent qu'elle intègre le principe de "pollueur-payeur".

Avant d'exposer ses propositions, le rapport met en avant les différentes causes du gaspillage alimentaire. Elles révèlent que ce phénomène touche réellement tous les niveaux de la chaîne de production alimentaire : surproduction, détérioration des produits, normes de commercialisation, mauvaise gestion des stocks, ou encore les stratégies de marketing. Le rapport prône donc un effort d'amélioration en permanence du traitement, du conditionnement, et du transport des produits que ce soit de la part des acteurs de la transformation, des détaillants ou encore des Etats membres.

La première étape de la chaîne agroalimentaire est celle de la production. Le rapport souligne que l'agriculture utilise efficacement les ressources dont elle dispose. Il met en exergue que ce domaine peut jouer un rôle important dans la lutte contre le gaspillage, il exhorte donc la Commission européenne à prendre en compte ce facteur dans ses prochaines propositions législatives. En outre, les députés européens ont également souhaité qu'une action conjointe soit mise en place en matière d'investissement dans les domaines de la recherche, de la science, de la technologie, de l'éducation, du conseil, ainsi que de l'innovation dans l'agriculture dans le but de réduire le gaspillage alimentaire.

Le rapport mentionne également la nécessité de recommandations de la Commission européenne et des Etats membres en ce qui concerne la chaîne du froid. En effet, si la température n'est ni optimale, ni appropriée, les denrées alimentaires risquent de ne plus être consommables.

Le rapport souligne que la définition du calibrage et de la forme des fruits et des légumes frais est source de gaspillage. Même si cela paraît logique, les députés invitent les acteurs de ce tri à prendre conscience de la valeur tout aussi nutritionnelle de produits présentant des formes ou des calibres imparfaits.

D'autre part, les députés européens se sont également penchés sur le lien entre gaspillage alimentaire, emballage et étiquetage des aliments. Ils mettent ainsi en avant une enquête de la Commission européenne qui révèle que 18 % des citoyens européens ne comprennent pas correctement la mention "à consommer de préférence avant le". Les entrepreneurs sont dès lors incités à expliquer les dates indiquées sur l'étiquette, afin de permettre aux consommateurs d'effectuer un choix éclairé :

  • la mention "à consommer de préférence avant le" qui correspond à la qualité du produit ;
  • la mention "à consommer jusqu'au" correspond quant à elle à la sûreté du produit.

Les députés souhaitent en outre développer les investissements dans des méthodes visant à diminuer le gaspillage alimentaire au sein de l'industrie agroalimentaire. La diminution des pertes de denrées alimentaires engendrerait une réduction du prix de ces derniers. A cette fin, il est demandé à la Commission :

  • de définir des instruments et des actions visant à stimuler d'avantage la participation des acteurs de l'industrie agroalimentaire à la lutte contre le gaspillage alimentaire (entreprises agroalimentaires, marchés de gros, chaînes de distribution, etc.) ;
  • de mettre l'industrie agroalimentaire face à ses responsabilités, notamment en les encourageant à revoir le volume des emballages des denrées alimentaires afin de s'adapter aux compositions diverses des ménages.

Enfin, des dispositions relatives au comportement des consommateurs, acteurs finaux de cette chaîne, sont également présentes au sein du rapport. Il est notamment question de "leur éducation" face à la conservation des aliments. Les députés invitent ainsi la Commission européenne à éditer un guide explicatif sur la conservation des denrées alimentaires et l'usage de ces produits proches de la date de péremption. Le rapport insiste également sur l'aspect préventif de la lutte contre le gaspillage alimentaire auprès des consommateurs. Il demande dès lors à la Commission européenne de fixer des objectifs spécifiques dans ce domaine pour les Etats membres qu'ils devront atteindre d'ici 2014.

Cependant, la diminution du gaspillage alimentaire à tous ces niveaux doit également passer par une coopération accrue entre les acteurs de la chaîne agro-alimentaire.

Le rapport souligne que de nombreuses plateformes de discussions existent, ces dernières fournissant des travaux pertinents pour la lutte contre le gaspillage alimentaire : la FAO bien sûr, mais également le forum européen du commerce de détail sur la durabilité, le forum à haut niveau sur l'amélioration du fonctionnement de la chaîne d'approvisionnement alimentaire, ou encore le réseau informel d'Etats membres baptisé "Friends of Sustainable Food".

Il est conseillé aux acteurs d'échanger leurs bonnes pratiques, aussi bien au niveau européen que national, qu'ils soient professionnels, chercheurs, administrations régionales ou locales, ou encore associations. Une meilleure coordination entre les Etats membres est également préconisée, ainsi qu'à une plus petite échelle, entre les producteurs et les consommateurs. Ces différentes coopérations permettront une meilleure sensibilisation de l'opinion publique vis-à-vis de la valeur des denrées alimentaires et des produits agricoles, et face aux causes du gaspillage. Le rapport va même jusqu'à encourager l'établissement de cours d'éducation alimentaire (comment stocker, cuisiner et jeter les aliments), à tous les niveaux de l'enseignement, et notamment dans l'enseignement supérieur.