Bandeau

Les pays émergents concepts et enjeux

Consacré cette année au "Facettes du paysage, nature, culture, économie", le 23ème Festival International de Géographie (FIG) 2012 s’est tenu à St-Dié-des-Vosges, du 11 au 14 octobre 2012. Le pays invité était la Turquie.

L'ensemble des conférences tables-rondes et ateliers pédagogiques seront mis en ligne prochainement sur le site dédié au FIG. En avant-première, nous vous proposons le compte-rendu de la conférence de Laurent Carroué (IGEN) réalisé par Samuel Coulon, professeur au lycée Sophie Germain, Paris IVème. Elle intéressera particulièrement les collègues enseignant les nouveaux programmes de collège et de lycée autour des questions de la mondialisation et de la croissance.

St-Die 2012.01St-Die 2012.02

Après l’accueil des enseignants des différentes académies par Michel Hagnerelle IGEN, dans le cadre du Plan National de Formation et une conférence sur la Turquie, pays émergent, Laurent Carroué (IGEN)  est intervenu le jeudi 11 octobre à 11h00 dans la nouvelle salle de l’espace Georges-Sadoul sur « Les pays émergents : concepts et enjeux face aux basculements du monde »

I. Système-monde et émergence

Laurent Carroué distingue trois phases historiques du monde contemporain

1ère phase : la fin de la Guerre Froide (1980-1990) : Une période marquée par la révolution néoconservatrice et libérale ou le concept de « puissances » rivales masque les autres phénomènes.

2ème phase : l’hyperpuissance nord américaine (1990-2000) : un système stable lorsque "l’empire" domine.

3ème phase : crise et multipolarité (2000-2010)
. Les évolutions récentes du monde obligent les géographes à  penser autrement le monde en engageant une réflexion sur :

  • Le concept de puissance (démographique ? industrielle ? technologiques …)
  • La nature de l’architecture de l’ordre mondial (Quel hégémon ? Quels équilibres ? Quelle multipolarité ? Quelles échelles ?)
  • La croissance et sa durabilité

L’analyse du système mondial tel qu’il existe aujourd’hui peut s’articuler, selon L. Carroué autour de 3 lectures : une lecture géoéconomique, une lecture géostratégique, et une lecture géopolitique.

S’appuyant sur quelques indications chronologiques, L. Carroué  souligne ensuite que les concepts pour penser le développement ont pour la plupart été « dictés » par le monde de la finance ou du politique.
1949 : Pays sous développés (discours de Truman : à l’ONU 20 janvier 1949)
1952-1956 : Tiers-monde (Alfred Sauvy)
1973 : Pays en développement (crise de 1973 et débat sur un NOEI)
1980 : Nord / Sud
1990 : Pays émergent : une expression d’Antoine van Adtmael (Bankers Trust) pour identifier les nouveaux marchés et repris par plusieurs organismes financiers. 

S’il n’y a pas d’accord sur la notion de « pays émergent », il y a unanimité sur l’analyse du processus qui passe par deux phases :
- premièrement  le développement économique,
- deuxièmement la recherche d’autonomie.
La seule liste des pays émergents qui fasse consensus, est celle des pays qui ont été reconnus comme membres du G20 aux côtés des grandes puissances économiques traditionnelles (déclinantes ?) et de l’UE.

II. Crise et basculement du monde

Un bouleversement démographique
Entre 2010 et 2030, le monde comptera 1,4 milliards d’habitants supplémentaires dont 98 % pour les « Suds ». En 2030, le  Sud  devrait regrouper à lui seul 83 % de la population mondiale. A titre de comparaison les pays membres de l’OCDE devraient compter seulement 16,5 % de la population active en 2020. Ce bouleversement pose la question des "réponses" possibles à cette croissance démographique :  le développement ? les migrations ? la guerre ?

Un dynamisme économique au Sud
La crise économique actuelle, équivalente à la crise de 1929, a provoqué une rupture séculaire qui a conduit à l’effondrement du modèle néoconservateur. A force de faire de la finance, les pays développés ont détruit leur propre industrie. Les pays émergents accumulent aujourd’hui le capital, exportent et,  …. financent le Nord. Le dynamisme économique est désormais au Sud avec  ¾ de la croissance mondiale sur les 10 dernières années  (½  pour les seuls pays émergents). Les recompositions géoéconomiques qui en résultent montrent d’une part, un déplacement des marchés vers les pays émergents (avec une élévation du niveau de vie, une augmentation de la consommation des ménages) et montrent d’autre part que l’industrie reste au cœur de la puissance. Ainsi, les investissements  en Chine sont supérieurs à ceux effectués aux Etats-Unis ; la production industrielle chinoise dépasse celle des Etats-Unis ; la production sud-coréenne dépasse celle de la France et du Royaume-Uni.

III. Les défis de la multipolarité

Le système multipolaire tel qu’il s’organise remet en question notre vision traditionnelle du monde, met en évidence de nouvelles logiques spatiales et pose de nouvelles questions comme  :

  • La montée des logiques Sud/Sud
  • Les problèmes de gouvernance d’un monde devenu multipolaire qui risque de voir s’affronter un jour ou l’autre des ambitions rivales avec l’émergence de diplomaties autonomes, fortes et cohérentes (cf. Turquie)
  • La question de la refonte (possible ?) des institutions Onusiennes
  • La question du projet communautaire européen, « l’idiot utile du village global » ?
  • La monté en puissance de la Chine (2ème puissance économique, 1er déposant de brevet en 2011 et sans doute 1ère puissance financière en 2020)

Une réflexion riche que l'on pourra approfondir l'an prochain puisque le 24ème FIG aura un thème et un pays confondus : La Chine, une puissance mondiale.
Il se déroulera du 10 au 13 octobre 2013.