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Documenter une œuvre de manière collective. Le livre IV des Contemplations

Cette classe de seconde a bénéficié de tablettes qui lui ont permis d’intégrer le numérique à plusieurs moments de la séquence : en visitant l’exposition virtuelle de la BnF sur Victor Hugo pour entrer dans l’œuvre, en écoutant diverses mises en voix de l’œuvre en ligne et, surtout, en réalisant des commentaires de l’œuvre par groupes grâce à des outils de collaboration en ligne.. Par Marie-Laure Basuyaux.

Contexte :

Ce travail sur le Livre IV des Contemplations s’inscrivait dans une séquence consacrée à l’étude de la poésie romantique en classe de seconde. Il s’agissait d’envisager le poème à la fois comme texte clos et comme élément d’une architecture d’ensemble, le recueil.

Objectifs :

-En ouverture de séquence, l’objectif était de faciliter l’entrée dans le recueil. Parmi les compétences travaillées dans les séances liminaires : mener une recherche, rédiger une synthèse à partir d’une source documentaire, choisir une interprétation et formuler un jugement argumenté pour justifier son choix.

-Les élèves ayant été équipés de tablettes deux mois plus tôt dans le cadre d’une expérimentation de « classe numérique », plusieurs séances ont été consacrées à l’écriture de commentaires littéraires sur des éditeurs de textes collaboratifs en ligne (framapad ou titanpad) afin de permettre aux élèves de s’entraider et d’observer mutuellement leurs pratiques.

-En clôture de séquence, l’ambition était d’aider les élèves à construire une interprétation d’ensemble du livre IV par le choix d’un tableau pouvant servir de première de couverture et par un travail d’écriture d’invention.

-Ces travaux ont été menés en utilisant certaines ressources numériques (le manuel numérique de la classe, une exposition virtuelle de la BNF, des enregistrements de poèmes lus trouvés en ligne) ou certains outils (mutualisation de son travail sur des murs collaboratifs type padlet).

I/ EN OUVERTURE DE SEQUENCE : FACILITER L’ENTREE DANS LE RECUEIL

1/ D’une préface à l’autre

L’approche du recueil est d’abord passée, classiquement, par l’étude des seuils, notamment de la préface de Victor Hugo (pour ses enjeux énonciatifs et sa stratégie argumentative) afin de formuler des hypothèses de lecture sur le recueil. Cette analyse a été réinvestie en fin de séquence lors d’un travail d’écriture d’invention (s’inspirer du texte de Victor Hugo pour rédiger la préface d’une anthologie de poèmes romantiques à partir d’un choix réalisé par les élèves dans leur manuel numérique).

2/ Visite virtuelle

Les élèves ont ensuite mené des recherches biographiques afin d’éclairer certaines allusions de la préface (ou de mieux comprendre le sommaire du recueil, qui est organisé de manière chronologique), notamment en visitant l’exposition virtuelle de la Bnf : « Victor Hugo, l’homme océan ».

Chaque groupe de quatre élèves a choisi d’explorer un aspect de la vie de Victor Hugo. La distribution des entrées de l’exposition s’est faite en classe (à partir de consignes placées sur un mur interactif « padlet ») et les différents groupes ont rédigé d’abord en classe puis à la maison (en utilisant un éditeur de texte collaboratif type titanpad) une courte synthèse pour la classe. Les synthèses ont été déposées sur le padlet pour être partagées avec toute la classe.

Afin de sensibiliser les élèves à la co-construction des documents de synthèse, ils ont été invités à observer en classe l’ensemble des synthèses, ils les ont lues et se sont livrés à un court test de restitution pour mesurer ce qui avait été le mieux retenu : ce que chacun avait lu chez les autres ou ce que chacun avait formulé lui-même.

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3/ D’une interprétation à l’autre

Chez eux, les élèves ont été invités à chercher en ligne des mises en voix de poèmes des Contemplations. Après avoir fait leur choix, ils ont brièvement décrit l’interprétation choisie et ont justifié leur choix dans un court texte qu’ils ont collé avec le lien de l’enregistrement sur un mur collaboratif « padlet » pour le partager avec la classe, constituant ainsi une petite anthologie commentée de leurs lectures préférées.

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II/EN COURS DE SEQUENCE : REDIGER COLLECTIVEMENT LE COMMENTAIRE LITTERAIRE D’UN POEME

1/ Travailler en autonomie

En classe, sur les tablettes, chaque élève recueille l’adresse du padlet contenant les consignes en se rendant dans la messagerie Lilie ou sur le blog de la classe.

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2/ Par groupes de deux

Proposer des axes de lecture pour l’étude du poème « Demain dès l’aube ». Une fois la proposition validée, la placer sur le padlet de la classe.

3/ Par groupes de quatre

Avec les tablettes, rédaction d’une étape du commentaire sur une plateforme d’écriture collaborative (« titanpad » ou « framapad »). Ce que les élèves écrivent peut être lu simultanément par les autres élèves qui ont également la possibilité d’intervenir sur le texte. Les couleurs identifient les groupes respectifs. La page, affichée simultanément sur le vidéoprojecteur de la classe, permet une vision d’ensemble du travail de chaque groupe par le professeur.

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4/ Valorisation

Le texte achevé est mis en ligne sur le blog de la classe (ENT Lilie) pour être conservé.

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III/ EN CLOTURE DE SEQUENCE : CONSTRUIRE UNE INTERPRETATION D’ENSEMBLE DU LIVRE IV

1/ Du texte à l’image

A la maison, les élèves ont choisi un tableau pouvant servir de Première de couverture à une édition séparée du Livre IV, l’ont placé sur un mur collaboratif et ont expliqué leur choix en fonction de leur lecture de l’œuvre. Le mur collaboratif leur permet de découvrir les propositions des autres, qu’il s’agisse des tableaux choisis ou des justifications apportées.

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Caspar David Friedrich : Femme devant le coucher du soleil.

J’ai choisi ce tableau car la femme présente peut nous faire penser à Léopoldine, la fille de Victor Hugo. Elle est seule et de dos, donc on peut imaginer qu’elle quitte cet endroit, comme Léopoldine a quitté son père. Il y a aussi le coucher de soleil qui peut en quelque sorte nous rappeler le poème « Demain dès l’aube » où il est question de Léopoldine.

Edvard Munch : Solitaires.

J’ai choisi ce tableau car la femme en blanc pourrait représenter la fille de Victor Hugo. Sa robe blanche rappelle les termes qu’il utilise pour la désigner : « Un autre ange qui s’est enfui » (« Trois ans après »), et « fille, épouse, ange » (« 15 février 1843 »). D’autre part, les couleurs ternes du tableau représentent bien la mélancolie du deuil. L’homme porte une tenue noire et semble regarder tristement la femme devant lui.

Edvard Munch : Le Cri. Ce tableau symbolise une grande tristesse, le personnage semble se transformer et le paysage autour de lui devient vague. Cela représente la tristesse de Victor Hugo qui a perdu sa fille, le monde autour de lui ne représente plus rien, et il disparaît peu à peu. La mort de sa fille provoque une douleur semblable à celle que le personnage de ce tableau ressent.

2/ Préfacer un recueil

En fin de séquence, chaque élève a effectué chez lui une sélection de poèmes d’esthétique romantique dans le manuel numérique. A partir de la lecture de ces poèmes, chacun a rédigé une préface pour son anthologie en s’inspirant de la préface de Victor Hugo (notamment de la situation d’énonciation).

3/ Partager les réussites

En classe, plusieurs préfaces ont été lues puis commentées, et les élèves dont les textes ont paru particulièrement riches ont été invités à en placer des extraits sur un mur collaboratif pour les valoriser.

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EXTRAITS MIS EN LIGNE PAR LES ELEVES

Si le thème de cette anthologie poétique devait être décrit en un seul mot, ce serait « la vie ». Ce recueil, dont les poèmes sont écrits par les plus grands poètes du XIXsiècle comme Lamartine, Hugo, Baudelaire ou encore Verlaine, contient le passé, les souvenirs, le futur, l’avenir et tous les sentiments qu’un homme peut ressentir au cours de son existence.

En lisant ces poèmes, on passe par la joie, l’amour, la tristesse, la peur, le désespoir, le deuil, le regret, la honte et le besoin de vengeance. On vit la perte d’un être cher, la perte de tous ses biens. On se prépare à la mort. On nous conseille sur la façon dont on devrait agir dans certaines situations. Ces poèmes qui nous sont adressés nous apprennent à vivre. (…)  (Aleksandra)

 

Toute l’histoire d’une grande période est inscrite dans ce recueil. Tout ce qui peut être décrit s’y trouve : toute la beauté du monde qui nous entoure, tous les chagrins qu’il nous fait ressentir, tous les changements qu’il nous fait subir et tous les hommes qui y vivent, qui se sentent perdus au milieu des autres et qui croient qu’ils sont différents. Ils écrivent pour se dévoiler, ils écrivent non pas par plaisir égoïste, mais pour communiquer ce qu’ils viennent de découvrir et d’éprouver eux-mêmes. Ils partagent leurs sentiments, leurs émotions, leurs points de vue, leurs aventures, leurs mésaventures comme s’ils se confiaient à nous.

Ils nous plongent dans leur univers qui n’est pas seulement le leur mais aussi le nôtre. Car lorsqu’on lit ces poèmes qui comptent parmi les plus connus, on se rend compte qu’ils parlent de nous : notre histoire est inscrite dans ces lignes. C’est nous qui voyons la lune de face et de profil. C’est nous qui entendons les bruits de l’orage, du torrent, du fleuve, du buisson. C’est nous qui nous mettons dans des états incompréhensibles, qui nous sentons prisonniers des choses qui nous entourent, prisonniers de nous-mêmes.

Ces poètes, dont nous avons nécessairement croisé le nom : Lamartine, Hugo, Musset, Bertrand, Vigny, Nerval, sont surtout des êtres humains comme nous. Ils traduisent leurs pensées dans laquelle nous nous retrouvons tous et nous touchent par leur talent incroyable qui permet de tirer de la beauté des mots que nous employons tous. (Sylwia)

 

Amis lecteurs, vous n’avez sans doute pas l’habitude de vous plonger dans la poésie romantique. Nous voulons vous réconcilier avec les grands auteurs lyriques en sélectionnant quelques œuvres connues ou parfois oubliées, mais toutes palpitantes et évocatrices, et toutes emblématiques de ce grand courant artistique que fut le romantisme.

Notre anthologie vous fera découvrir que la nature est inspiratrice de sentiments divers, avec ses manifestations violentes (orages, intempéries) qui peuvent être comparées à celles de l’affectivité humaine, mais qu’elle est aussi liée au temps, autre source d’émotions et de sentiments. Avec le temps s’expriment le bilan douloureux d’une vie, le chagrin de vieillir, la certitude de se rapprocher de la mort.

La nature est le témoin vivant du bonheur que chaque homme convoite mais qui passe trop vite et qui laisse place à la souffrance. Ainsi la guerre, ce mal puissant, est-elle présente dans plusieurs des poèmes de ce recueil alors même que l’on voudrait que le temps s’arrête sur les instants agréables de notre vie pour nous permettre de les savourer.

Bonne route, amis lecteurs, avec ces poèmes qui partagent nos inquiétudes, notre désarroi, nos espoirs, et qui transforment en beauté le présent et l’avenir. (Gabriela)