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YouTube et les YouTubeurs (atelier collaboratif 2016/2017)

Youtube est un terrain d'apprentissage formidable où de nombreux vulgarisateurs présentent leurs disciplines ou leurs passions. Face aux 400h de vidéos qui sont uploadées sur Youtube chaque minute et aux 115 000 années passées chaque jour à regarder des vidéos par les internautes, comment les élèves et les enseignants utilisent ce média ?

 

Par Benjamin MARTIN - Article publié le 26 avril 2017.

Pour découvrir les chaînes YouTube que nous vous recommandons, rendez-vous sur l'esidoc du Lycée d'Etat Jean Zay. Vous pouvez télécharger en bas de l'article les mémonotices de 700 vidéos YouTube à importer dans votre BCDI pour enrichir votre portail (mise à jour le 20/11/2019).

Définition et présentation de la plateforme YouTube

 

Lancé en France le 19 juin 2007, YouTube a été créé en février 2005 par trois anciens employés de PayPal : Steve Chen, Chad Hurley et Jawed Karim. Racheté par Google en octobre 2006 pour un montant de 1,65 milliard de dollars, il en est la troisième plus grosse opération d’acquisition.

YouTube est à ce jour un incontournable du Web avec 400h de vidéos uploadées par  minute et un total quotidien équivalent à 115 000 années passées à regarder des vidéos.

Cependant, la plateforme ne doit pas être perçue comme la télévision du Net ou comparée à des sites de streaming permettant de regarder films et séries. YouTube est bien plus. C’est à la fois : une plateforme d’hébergement pour vidéos, un réseau social où les internautes partagent et commentent des contenus mais aussi un média.

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Une plateforme d’hébergement pour vidéos : le relais universel

 

Une recherche Google donne accès aux vidéos YouTube. Elles peuvent être intégrées à des pages Web à l’aide d’une simple balise html et encore plus simplement en collant l’URL de la vidéo sur Facebook, etc.

L'utilisateur n'a donc aucunement besoin de se rendre sur le site de Youtube pour accéder à des contenus hébergés par la plateforme. Néanmoins si Youtube est omniprésent sur le Web, relativisons en disant qu'il n'a pas le monopole de l'hébergement de vidéos. D’autres plateformes du même type existent : Vimeo, Dailymotion, et Vidéolib espace de mutualisation de vidéos pour la classe lancé en 2016. Notons que Facebook, propose aussi d’héberger et de publier directement les vidéos des utilisateurs sans avoir à passer par YouTube.

Antoine Daniel, célèbre créateur de contenus sur Youtube préfère au terme de YouTubeur le terme de vidéaste. Il défend la thèse que la plateforme n'est jamais qu'un outil, un moyen de diffusion et que si une autre plateforme vient à supplanter YouTube, les vidéastes hébergeront leurs vidéos ailleurs et le terme YouTubeur ne voudra plus rien dire.

 

Une autre plateforme peut-elle vraiment concurrencer “Google God”? Par ce terme, Ariel Kyrou décrit la stratégie invasive de l’entreprise qui tente de faire passer ses outils pour naturels et invisibles dans nos quotidiens afin de devenir le relais universel.

Comme le projet Google Books qui a pour ambition de numériser tous les livres édités, toutes les vidéos tournées dans le monde y compris celles tournées avant YouTube, doivent être disponibles sur YouTube ! C’est 600 000 heures de vidéos qui sont uploadées chaque jour. La volonté d’universalité de la plateforme ne semble faire aucun doute.

 

Un média à la carte

 

YouTube, vidéothèque de Babel, où toutes les vidéos du monde même si elles n’ont aucun sens existent… Face à ce déluge informationnel, peut-on dire que YouTube est un média conscient? Autrement dit, existe t-il une ligne éditoriale ou s’agit-il simplement d’un empilement anarchique de contenus ? Y a t-il une finalité, un but à atteindre, sait-on à quoi ressemblera Internet dans dix ans ?

Internet et par extension YouTube ne servent à rien et peuvent servir à tout. Tous les internautes peuvent produire des contenus et cela sera mis au même niveau, qu’il s’agisse de raconter ses vacances à Vierzon ou de présenter et vulgariser sa thèse en biochimie. Il n’y a aucune finalité, pas de contrôle éditorial, on y est libre de publier ce que l’on veut.

 

Quatre remarques viennent néanmoins nuancer cette analyse :

Premièrement, des modes rythment les publications et donnent l’impression d’une cohérence et d’une évolution de la plateforme : début 2011 les podcasts (Cyprien, Norman), 2012 apparition de nombreuses chaînes de gaming, début 2013 : le Harlem Shake, 2014 : Les vidéos challenges (Ice Bucket, Don’t Judge, etc.)

Deuxièmement, il y a des règles et certains contenus ne peuvent être diffusés sur YouTube. C’est le cas par exemple des contenus pornographiques, violents ou ne respectant pas les règles de la propriété intellectuelle. Le non respect de ces règles peut avoir des conséquences telles que la  suppression de la vidéo ou de la chaîne, la redistribution des revenus générés par le contenu aux ayants droit.

Troisièmement, la politique éditoriale existe au niveau des producteurs de contenus. C’est une forme d’autorégulation puisqu’une chaîne de gaming ne produira pas de tutoriel sur le maquillage.

Quatrièmement, les algorithmes ont pour fonction de faire remonter les contenus les plus pertinents/rentables. Basiquement, YouTube propose les vidéos les plus populaires c'est-à-dire générant le plus de vues à un moment donné. Les utilisateurs peuvent aussi créer un environnement personnalisé correspondant à leurs attentes. En s’identifiant, YouTube leur permettra d’accéder aux nouvelles vidéos des vidéastes auxquels ils se sont abonnés et fera aussi des recommandations en fonction de ce qu’ils ont vu, recherché ou ce qu’ils ont indiqué aimer.

Une forme de politique éditoriale existe donc mais elle ne dépend pas d’une autorité supérieure. C’est à l’utilisateur (qu’il soit vidéaste ou viewers) de la construire dans le cadre des règles imposées par la plateforme. Il n’y a donc pas une mais des lignes éditoriales : autant qu’il y a d’utilisateurs.

 

Un réseau social

 

YouTube possède toutes les caractéristiques d’un réseau social. En effet, chaque utilisateur  est une entité personnalisable (ma chaîne, mon pseudo, etc.). Il lui est possible de créer des connexions avec d’autres utilisateurs et chaque action, même la plus anodine, a un impact sur la plateforme (je regarde une vidéo et le compteur de vues s’actualise, j’écris un commentaire, je “mets un pouce bleu” et l’algorithme intègre ces données pour référencer la vidéo).

 

La fonction réseau social de YouTube est une alternative que Google a décidé d’exploiter sérieusement pour contrebalancer l'échec de Google + avec le lancement fin 2016 de Community, un nouvel outil qui transforme la chaîne d'un YouTubeur en réseau social. Les vidéastes pourront publier des messages, des images, des GIF, etc. dans un canal distinct de leurs chaînes. Les viewers pourront voir ces publications dans la section «Abonnements» et y réagir de la même manière que sur les vidéos.

L’objectif est assez clair, permettre aux vidéastes de discuter avec leurs viewers sans avoir à utiliser d’autres réseaux notamment facebook.

La tendance générale est le rapprochement des fonctionnalitées des différents réseaux sociaux. En effet, il est possible de publier ses vidéos directement sur Facebook sans passer par YouTube mais aussi de réaliser des vidéos  lives sur Facebook comme sur YouTube. Pour en savoir plus, nous vous conseillons l’article d’Enrique MOREIRA publié le 19/03/16 sur le site Les Echos.fr : “Facebook, Twitter, Instagram... ces réseaux sociaux qui se ressemblent de plus en plus”.

Analyse du fonctionnement de YouTube

 

Cette analyse a pour objectif de scruter sous plusieurs angles la plateforme afin de comprendre comment YouTube, les YouTubeurs et leurs viewers sont à la fois à l’origine de la création des contenus mais aussi de la configuration des pages accueil et tendance.

En nous plaçant tour à tour sur les trois référentiels : algorithme, YouTubeurs et viewers, nous essayerons de démêler les fils invisibles qui régissent la plateforme.

Pour avoir plus d’informations sur le modèle économique de la plateforme, nous vous conseillons la vidéo “Les vidéastes et leurs modèles économiques” de la chaîne Stupid Economics.

 

La verticalité de l'algorithme

 

Si les YouTubeurs sont libres de mettre en ligne ce qu’ils veulent, le code, l’algorithme reste le chef d’orchestre de la plateforme. Il édicte les règles de publication et compose la page d’accueil et les tendances en sélectionnant les vidéos qui devraient selon lui, plaire au public le plus large.

L’entreprise a pour objectif de générer du trafic pour diffuser un maximum de publicités et ainsi dégager toujours plus de bénéfices. L’algorithme ignore le bien (qualité, diversité des contenus) et le mal (contenus obséquieux, vulgaires, racoleurs, etc.) car seul compte l’expansion. Pour l’internaute, la plateforme semble régie par une main invisible qui agit dans l'intérêt du plus grand nombre en faisant coïncider l’offre à la demande.

 

  • La verticalité stimulant la création :

YouTube soutient la création et les créateurs ! On peut citer par exemple l’inauguration en 2015 du YouTube Space Paris ou des trophés offerts aux créateurs dépassant un certain nombre d’abonnés. C’est donc une forme de reconnaissance par Google du travail fourni par les internautes pour la plateforme.

Elle met aussi à disposition des vidéastes des outils (graphiques, statistiques), et de très nombreuses données (Watch Time des vidéos, âges des viewers, public masculin ou féminin, nationalité des viewers : français québécois, belge, autres) afin d’améliorer leurs chaînes en adaptant les contenus à leur public.

 

  • La verticalité tyrannique de YouTube :

L’entreprise n’est pas un service public ! Notons que c’est pour cette raison que l’intérêt porte sur  le plus grand nombre et non pas sur  l'intérêt général. Les buts de la plateforme sont avant tout commerciaux. Tout n’est que stratégie de communication et marketing : faire du caritatif ou du mécénat, mettre à disposition des vidéastes un YouTube Space et leur offrir des trophés.

YouTube n’a aucune obligation envers les utilisateurs. L’entreprise ne donne pas le mode d’emploi de l'algorithme et peut le modifier sans avertir les internautes. Les vidéastes ne sont donc pas les partenaires de la plateforme… mais ses sujets.

Fin 2016, suite à des modifications du code, des utilisateurs se plaignent de ne pas recevoir toutes leurs notifications et de ne plus être abonnés automatiquement à certaines chaînes. Les vidéos récentes ne sont plus mises en avant par l’algorithme dans l’onglet “Tendances” au profit de contenus venus d’autres médias notamment la télévision. Des vidéastes s’indignent, c’est le cas du premier YouTubeur mondial PewDiePie qui menaçait de supprimer sa chaîne !

 

 

L’horizontalité de la plateforme

 

Lorsque l’utilisateur crée un compte Google et se connecte à YouTube, il dispose automatiquement d’un espace où publier ses vidéos. Il n’y a pas de différence de statut entre le vidéaste et l’utilisateur qui va regarder la vidéo. D’une part parce que les vidéastes sont eux-mêmes utilisateurs et regardent des vidéos et d’autre part puisque n’importe quel utilisateur est potentiellement créateur de contenus, qu’il s’agisse de vidéos ou de commentaires.

Cette horizontalité permet de mettre le doigt sur une particularité de la plateforme. La vidéo est le point de départ du document et les usagers vont l’enrichir de leurs commentaires. Aussi pour nous professeurs documentalistes, il est important de considérer que le document n’est pas la seule vidéo mais toute la page Web.

 

Contrairement à la télévision, ce média met tout le monde sur un pied d’égalité. Le créateur de contenu n’est pas une figure d’autorité comme peut l’être l’invité d’une émission, identifié  comme expert par le téléspectateur ou l’auditeur.

Le contenu peut être discuté, débattu, critiqué par les utilisateurs puisque la plateforme appartient au Web social.

De quelle manière se manifeste cette horizontalité :

  • Les internautes peuvent communiquer par le biais des commentaires de la vidéo avec les autres internautes et le vidéaste.

  • Les internautes peuvent manifester leur intérêt ou leur désintérêt pour un vidéaste en s’abonnant ou en se désabonnant. Idem pour un contenu en cliquant sur un pouce levé ou baissé.

  • Les vidéastes publient parfois des vidéos FAQ où ils présentent leurs projets à venir, lisent et répondent aux questions des internautes ou remercient le public quand ils atteignent un certain nombre d’abonnés.

  • Les objets fabriqués ou présentés dans la vidéo sont offerts aux premiers internautes se manifestant.

  • Présence et participation active des vidéastes sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, etc.) Notons qu’il est aussi possible de s’adresser directement aux vidéastes via les réseaux sociaux.

  • Les rencontres IRL (in real life) lors de rencontres abonnés, de conférences, de salons ou de conventions.

 

Cette horizontalité a une grande influence sur les contenus mêmes. D’une part elle permet aux vidéastes de savoir ce qui plaît ou pas, de répondre aux questions ou corriger les mauvaises interprétations du public. D’autre part, elle permet de mutualiser les connaissances et permet de créer du contenu :

  • Le vidéaste peut proposer aux internautes de choisir le thème de la prochaine vidéo,

  • Les vidéastes font des lives ou créent des vidéos dans lesquelles ils invitent des abonnés,

  • Certaines chaînes, comme « La tronche en biais » ou « le mock », créent une suite à leur vidéo en tenant compte des remarques et critiques des internautes.

  • Le vidéaste peut utiliser l’intelligence collective pour répondre à une problématique comme dans la vidéo : « Comment envoyer l'humanité dans l'espace ? » de la chaîne Dirty Biologie.

YouTube étant une plateforme sociale, l’horizontalité se manifeste aussi entre vidéastes. Les YouTubeurs se cooptent de plusieurs manières. C’est notamment le cas du célèbre Doc Seven, qui propose à d’autres vidéastes ayant moins d’abonnés de réaliser l’introduction de ses vidéos. D’autres organisent des vidéos en collaboration comme la chaîne Balade Mentale et sa vidéo : « LE MONDE ENTIER dans une tasse de café !!! ». (NB : Parfois il s’agit de stratégie marketing des Networks qui organisent de toute pièce des partenariats entre YouTubeurs.)

 

Trois remarques négatives peuvent être énoncées sur cette horizontalité :

Premièrement, la communauté a tendance à considérer que le vidéaste lui doit quelque chose. « Nous regardons tes vidéos, tu gagnes de l’argent grâce à nous, tu te dois de ne pas faire de placement de produits, tu te dois de publier du contenu régulièrement… »  

Les vidéastes peuvent alors tomber dans le piège suivant : publier des contenus le plus vite possible même si la qualité ne suit pas, dans le but de satisfaire le public et de s’exposer de ce fait à des commentaires négatifs.

Deuxièmement, les commentaires des utilisateurs ne sont pas toujours constructifs et l’on trouve énormément de « trolls » et de « haters ». Notons que l’anonymat d’Internet favorise les commentaires violents et stupides, d’autant que,les viewers ont tendance à s'exprimer plus souvent sur ce qu’ils n’aiment pas plutôt que sur ce qu’ils aiment.

Troisièmement, l’horizontalité peut également entraîner une certaine proximité avec le public et la frontière entre vie privée et vie numérique peut parfois sembler floue : les vidéastes peuvent donner des surnoms à leurs abonnés, leur faire de véritables déclarations d’amour dans leurs vidéos et ce n’est pas sans risque.

 

Le zapping

 

Face au bruit documentaire permanent sur Internet, la lecture zapping s'érige en norme. Lors de sa recherche, l'internaute sélectionne dans la liste des résultats ceux qui lui semblent les plus pertinents. Une fois sur le site, il se focalise sur une ou deux pages qu’il ne consultera pas dans leur intégralité.

Comme le téléspectateur, l'internaute sélectionne son parcours en fonction de critères conscients (site institutionnel, plan apparent, etc.) mais aussi intuitifs : Si un site Web n’est pas « beau » ou suffisamment lisible, il n’hésitera pas à quitter la page et à tenter sa chance sur un autre site. Cela même si l’auteur de la page est un expert et que les informations qu’il y a rédigées sont pertinentes.

Le “zapping” sur YouTube est bien plus complexe qu’à la télévision. Pour plusieurs raisons :

  • Sur YouTube, le viewer a rarement une vision systémique de l’oeuvre du vidéaste. Il ne regardera pas les vidéos dans l’ordre de publication et ne visionnera pas l’intégralité des vidéos disponibles sur la chaîne.

  • Mais il peut aussi y avoir des formes de zapping dans la vidéo : ne regarder que le début de la vidéo ou bondir d’un bout à l’autre de la timeline.

 

Sur YouTube, le zapping est inscrit dans le code même de la plateforme puisqu'elle est conçue pour inciter l'internaute à regarder le plus grand nombre possible de vidéos. En effet, plus de publicités sont visionnées et plus la plateforme gagne d'argent.

Afin de favoriser le zapping, des miniatures apparaissent dans la colonne de droite pour proposer d'autres contenus alors que l'on vient tout juste de lancer une vidéo. La lecture automatique ouvre à l'infini sur d'autres vidéos et les vidéastes eux-mêmes proposent parfois dans le texte de présentation ou à la fin de la lecture de la vidéo des liens pour renvoyer vers la vidéo précédente, le making off, etc.

 

Or ce zapping peut avoir des conséquences :

Tout d'abord, en bondissant sur la timeline de la vidéo, l’internaute peut louper une information capitale à la bonne compréhension de la vidéo et ses retours dans les commentaires risquent d'être biaisés (cf. L'horizontalité de la plateforme).

Les vidéastes ayant eu ce genre de mésaventures ne risquent-ils pas de s’autocensurer en bannissant de leurs productions les discours ironiques ou un humour de second degré de peur d’être victime d’incompréhension ? Les vidéastes ont d'ailleurs tendance à standardiser leurs contenus lorsqu'ils commencent à avoir une grande communauté afin de plaire au plus grand nombre. Les internautes qui souhaitent partager leurs avis sur une vidéo ne doivent-ils pas faire l’effort de la regarder entièrement pour être partial et objectif ?

Autre conséquence, certains vidéastes profitent du zapping en proposant des contenus « putaclic » c’est-à-dire assortis de miniatures aguicheuses ou de titres racoleurs pour créer le buzz. Rappelons que les vidéos sur YouTube peuvent être monétisées, et que plus le nombre de vues est important plus la vidéo rapporte d’argent. Pour autant, le buzz, n'est pas toujours signe de qualité, et  un bad buzz peut rapporter autant d'argent qu'un bon buzz !

Plus une vidéo génère de vues plus elle est considérée comme populaire par l’algorithme. Elle sera donc remontée dans le fil des propositions au détriment des productions des autres vidéastes. En favorisant ce type de vidéo, le zapping favorise parallèlement la pollution documentaire de la plateforme.

 

Notons que depuis fin 2016, les modifications de l'algorithme semblent prendre bien plus en considération le « watch time » c‘est à dire : le  temps passé par le viewer à regarder la vidéo. Cette nouvelle variable semble être plus représentative de la qualité d’un contenu, car si l’on n’aime pas une vidéo on change de programme et inversement si l’on aime un contenu, on reste le voir dans son intégralité.

Le système des pouces en l’air ou vers le bas pouvait être exploité (certains vidéastes donnaient  des objectifs de pouces en l’air ou demandaient en guise d’introduction de gratifier la vidéo d’un pouce en l’air). Cependant, les pouces sont des métadonnées visibles par les viewers, pouvant aider à se faire une opinion sur un contenu tandis que le “watch time”, est une donnée invisible, uniquement utile au bon fonctionnement de l'algorithme.

YouTube au service du professeur documentaliste

 

Des vidéos courtes, rythmées, présentées par des enseignants, étudiants, juristes, médecins, etc. Experts au mieux, passionnés au pire, l’apparition de vulgarisateurs en 2015 fait basculer YouTube d’un simple objet de divertissement à un agrégateur de savoirs.

 

Les institutions muséales sont pionnières en la matière et n’hésitent pas à ouvrir leurs collections et instaurer des partenariats avec des vidéastes :  Musée des Confluences à Lyon, le musée Guimet, le Centre Pompidou, le musée des Augustins de Toulouse, etc.

YouTube est déjà très présent dans l’écosystème informationnel des élèves et ne pas en tenir compte serait se priver de formidables opportunités pédagogiques !

Pour un professeur disciplinaire, ces vidéos peuvent être utilisées en cours comme introduction, ou encore pour une classe inversée mais aussi pour inviter les élèves à approfondir des notions si le professeur n’a pas le temps de les aborder.

Les contenus mis en ligne par les vidéastes sont sous licence Créative Commons. Il est donc possible de les utiliser en classe. Attention néanmoins : Il est impératif de passer par la plateforme. Il n’est donc pas légal de télécharger la vidéo pour la projeter, pour pallier les éventuels problèmes de réseau.

Pour un professeur documentaliste l’intérêt est double !

Premièrement, YouTube est une mine à ciel ouvert où l’on peut piocher des ressources à mettre en avant dans e-sidoc. Soit en proposant une liste de vidéastes soit en cataloguant les vidéos avec BCDI afin qu’elles apparaissent lors des recherches des élèves. (Proposition d’organisation esidoc du Lycée d’Etat Jean Zay)

Deuxièmement, et c’est ce qui nous intéresse dans le développement ci-dessous, YouTube permet d’aborder de nombreuses notions info-documentaires, l’EMI et la notion d’identité numérique.

 

Aborder les notions info-documentaires avec YouTube

 

Youtube est un terrain d'apprentissage formidable où les internautes découvrent sans le savoir de nombreuses notions info-documentaires. En faisant des recherches pour trouver des contenus mais aussi en se créant un Environnement Personnel d'Apprentissage en s'abonnant à des chaînes.

Bien sûr, il peut être intéressant d’expliquer le fonctionnement de l'algorithme, de définir ce qu’est l’intelligence collective, de débattre de l'omniprésence de la galaxie Google, etc.

Mais il est aussi possible d’utiliser YouTube pour expliciter des notions info-documentaires complexes. Les YouTubeurs concluent quasiment tous leurs vidéos de la même manière : « Mettez un pouce bleu si vous avez aimé, partagez cette vidéo sur vos réseaux sociaux et abonnez-vous ! ». Décortiquons cette phrase, « Mettre un pouce bleu », c’est sélectionner et valider de l’information. « Partager la vidéo » c’est faire de la curation, c'est-à-dire diffuser et recommander via les réseaux sociaux le contenu que l’on aime. « S’abonner », c'est-à-dire recevoir des notifications lorsqu’une nouvelle vidéo est mise en ligne, n’est rien d’autre qu’une forme de veille.

Autant de concepts qui nous sont familiers et qu’il est simple d’aborder avec des élèves puisque tous sont déjà utilisateurs.



Pour aborder la notion de validation de l’information, on peut imaginer une séquence pédagogique dans laquelle on s'attachera à la méthodologie suivante :

  • L’analyse de la vignette et du titre,

  • L’étude des métadonnées pour juger de la fiabilité du document : Ratio entre le nombre de pouces vers le haut et vers le bas, ratio entre le nombre d’abonnés et de nombre de vues, le vidéaste a-t-il attribué une catégorie à sa vidéo : éducation, humour, etc.

  • L’étude de la partie descriptive de la vidéo faite par l’auteur et des éventuelles sources qu’il aurait indiquées.

  • Une analyse plus systémique de la chaîne : y-a-t-il un texte ou une vidéo de présentation sur la page d’accueil de la chaîne, à quoi ressemblent les autres vidéos de la chaîne, qui est le YouTubeur In Real Life, etc.

  • L'analyse des commentaires des usagers sous la vidéo,

  • Regarder des vidéos-réponses faites par d’autres vidéastes (Voir par exemple la vidéo de M. Gigantoraptor analysant les propos d’un vidéaste pro-végan).

 

Education aux médias et à l’information

 

YouTube est un média où l’on peut avoir accès à des images d’actualité prises sur le vif par des inconnus, des vidéos produites par des journalistes professionnels (ExpliciteFrance Inter, etc.) et des contenus de vidéastes non experts mais engagés qui vont traiter d’écologie (le Professeur Feuillage), de politique (Accropolis) ou d’actualité (Le Fil d’Actu).

YouTube n’est pas un univers déconnecté du monde réel, bien au contraire, les vulgarisateurs, s’emparent de l’actualité pour créer leurs contenus. L’élection présidentielle 2017, par exemple, permet l’apparition de nombreuses vidéos :  Candidature Stupid Economics #2017 (Chaîne de vulgarisation en économie) qui analyse les mesures économiques proposées par certains candidats. “Réformons l'élection présidentielle !” de Science étonnante, qui réalise d’ordinaire des vidéos sur les sciences et qui profite des élections pour aborder la représentativité des différents modes de scrutin sous l’angle des statistiques.

YouTube semble être un outil puissant au service de la liberté d’expression et de véritables chefs-d’oeuvre y sont publiés. Cependant, chacun ayant accès au statut d’auteur sans passer par la chaîne éditoriale traditionnelle qui garantit une certaine fiabilité de l’information, le brouillage de l’identité de l’auteur lors de publication numérique, font que le sentiment de confiance vis-à-vis d’une information tient du domaine de l’émotion et non d’un raisonnement méthodique. C’est l’âge d’or de l’information cocasse qui se propage de façon virale et s’appuie sur le buzz.

Les célébrités des réseaux sociaux ont un pouvoir de suggestion très important sur leurs communautés à tel point qu’ils sont surnommés “influenceurs”. Il est donc légitime de s'inquiéter d’établir un véritable plan d’éducation aux médias et à l’information dans les établissements scolaires avec pour objectifs :

  • D’être conscient de la surabondance d’informations, des abus publicitaires et des risques de désinformation : hoax et théories du complot.

  • De développer des utilisations éthique et citoyenne de ces réseaux : ne pas publier n’importe quoi, ne pas partager ou liker une information que l’on sait fausse, etc.

 

Pour aller plus loin, voici trois chaînes traitant de zététique et d'éducation aux médias et à l’information : « La tronche en biais », « Hygiène mentale » et « Les clés des médias ».

 

Création et gestion de son identité numérique

 

Les FAQ nous dévoilent l’étendue des qualités professionnelles de ces vidéastes : recherche documentaire, écriture, jeu d’acteur, captation du son et de l’image, montage, communication (gestion de leur image, etc.). Il s’agit d’un véritable métier, chronophage et exigeant. Or cette réalité est déformée par l’apparente simplicité du cadre (chambre), du format (vidéos de quelques minutes) ou des sujets abordés (jeux vidéo, maquillage, etc.)

Ces nouvelles idoles inspirent les plus jeunes, et désormais YouTubeur s’intercale entre astronaute et pompier dans cette longue liste de métiers que les enfants récitent lorsqu’on leur demande ce qu’ils voudront être plus tard. Contrairement à astronaute, il est possible de créer un compte et devenir YouTubeur à partir de 13 ans minimum (même âge pour Facebook). Notons par ailleurs qu’il y a beaucoup d’enfants sur ces plateformes n’ayant pas l’âge requis et que ce prérequis n’est pas non plus la garantie que l’adolescent ait la maturité suffisante pour comprendre tous les enjeux et les risques du Web social.

Il est important que l’école et les parents soient préparés à accompagner ces jeunes :

  • Expliquer la notion de trace (maîtriser son identité numérique et son image, gérer son e-réputation) et sensibiliser aux dangers qui en découlent (atteinte à la vie privée, harcèlement, manipulations idéologiques ou commerciales).

  • Rappeler qu’il n’existe aucun droit à l’oubli sur Internet, une information publiée, même si elle est retirée est susceptible d’avoir été copiée et de réapparaître un jour. C’est pourquoi savoir ce qu’il est possible ou non de publier, qu’il s’agisse de son image ou de l’image de tiers est un prérequis indispensable avant de démarrer sa vie numérique.

  • Expliquer la différence entre l’inspiration et la copie, les notions de plagiat et de paternité de l’œuvre. Le plagiat est très mal vue sur YouTube et les haters peuvent s’expriment violemment dans les commentaires. Bien sûr, il y a aussi des réponses intelligentes et construites qui peuvent être reprises comme exemple, c’est le cas de la vidéo de Moretoki, le YouTubeur américain plagié par Math Podcast.

 

Publier une vidéo sur YouTube, c’est s’exposer aux quolibets et aux critiques, voire au harcèlement, du fait de l’horizontalité de la plateforme.

Il faut essayer de comprendre et analyser les motivations qui poussent à produire du contenu.  Car si l’attrait de l’argent et de la célébrité sont de mauvaises raisons, d’autres mettront en avant le goût de l’écriture de script et du montage, la volonté de faire partager leurs passions, etc.

Il faut encourager les activités créatives des plus jeunes et des alternatives sont possibles pour se protéger un maximum : désactiver les commentaires, publier une vidéo en privé afin de ne la partager que dans le cercle des personnes de son choix.

Ateliers GIPTIC

  • L'intelligence artificielle (IA), découverte & problématique