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La guerre d'Algérie - Regards croisés lettres-histoire au lycée

Logo-ONACVG-2 L’étude de la guerre d’Algérie et de ses mémoires a donné lieu à un travail croisant lettres et histoire au lycée Jules Ferry dans une classe de seconde et une classe de première littéraire encadrées par Marina Plus et Marie Cuirot. Il s’est articulé autour de l’exposition de l’ONACVG intitulée « la guerre d’Algérie, histoire commune, mémoires partagées ? » et du roman d’Alice Zeniter l’Art de perdre, prix Goncourt des lycéens 2017. Le projet s’est conclu par une rencontre avec la romancière. Cette démarche pédagogique modulable et utilisable dans les actuels programmes de lycée général. *Nous remercions l’ONAC-VG et l’ECPAD qui nous autorisent à mettre en ligne l’exposition. *

Contextualisation historique autour de l’exposition « la guerre d’Algérie, histoire commune, mémoires partagées ? »

L'exposition « la guerre d'Algérie, histoire commune, mémoires partagées ? » a été réalisée par l’Office National des Anciens Combattants et Victimes de Guerre (ONACVG).  Elle existe en version itinérante et a été présentée dans le hall du lycée Jules Ferry du 12 au 23 mars 2018.

L’exposition se compose de trois parties : la première présentant la colonisation de l’Algérie et les particularités de la « colonie Algérie », la seconde portant  sur les événements de la « guerre d’Algérie » à proprement parler, la troisième étudiant  les mémoires de la guerre depuis 1962.
Elle s’inscrit dans les programmes de troisième, et de terminale (tronc commun et HGGSP).

Installée dans le hall du lycée, elle a pu être « vue » par tous les élèves et personnels de la cité scolaire et étudiée plus particulièrement par les quelques 800 élèves de troisième, première et terminale. Les élèves de CPGE du lycée ont également réalisé un travail de leur côté.

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 L'exposition au lycée Jules Ferry

L’exposition de 22 panneaux a été complétée récemment par neuf vidéos. Organisées en séquences courtes et dynamiques, ces vidéos donnent la parole à des historiens renommés, ainsi qu’aux différentes catégories de personnes impactées par la guerre et délivrant leur témoignage, leur expérience de vie (appelés du contingent et militaires de carrière, insoumis et soutiens au FLN, harkis, militants et combattants du FLN/ALN et du MNA, Français d’Algérie, militants de l’OAS). Véritable outil pédagogique, ce volet numérique est mis à disposition des enseignants et éducateurs souhaitant aborder en profondeur le thème de la guerre d’Algérie et de ses mémoires avec les jeunes générations.

Ces vidéos sont accessibles via le site de l’ONACVG en suivant le lien ci dessous:
la guerre d'Algérie, histoire commune, mémoires partagées

L’ONACVG et l’ECPAD ont autorisé la mise en ligne de l’exposition en version pdf, dans le cadre de la présente exploitation pédagogique. Qu’ils en soient chaleureusement remerciés.

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Exploitation pédagogique

Encadrés par leur professeur d’histoire, les élèves ont  dû répondre à un questionnaire élaboré par Marie Cuirot sur les documents présentés dans l’exposition. Celui-ci a été corrigé et complété en classe. Nous présentons ici le questionnaire dans sa version « longue ». Il peut être adapté et réduit en classe de troisième notamment en téléchargement ci dessous.
Pour les premières et les terminales, un devoir de composition a ensuite été donné sur un sujet faisant la synthèse de l’exposition : « pourquoi le mouvement de décolonisation qui s’engage dans le monde à partir de 1945 prend-t-il en Algérie un caractère si particulier qui a encore aujourd’hui des répercussions dans les mémoires collectives ? ». Nous en proposons un corrigé en téléchargement que vous trouverez dans l’onglet correction.

Questionnaires et corrections sont au format pdf ou docx afin que vous puissiez adapter si vous le souhaitez les questions à vos élèves.

Tout ce travail a été rendu possible avec l'aurorisation et l'appui de l'ONACVG et de l'ECPAD

Rencontre avec Alice Zeniter

Rencontre entre les élèves de seconde et première L et Alice Zeniter à propos de l’Art de perdre, prix Goncourt des lycéens 2017;


Les élèves de seconde et de première avaient préparé des questions auxquelles Alice Zeniter a répondu en élargissant le propos et en relançant l’échange avec les élèves. Nous n’avons donc pas choisi ici de présenter un compte-rendu sous forme de questions/réponses mais préféré résumer les (deux heures d’) interventions de la romancière sur les différents thèmes abordés.

Liens entre l’histoire et la fiction :


Ce qui est intéressant dans le travail de l’historien – et de Raphaëlle Branche en particulier- c’est qu’il travaille non seulement sur un événement mais aussi  sur la ou les manières dont l’événement est présenté dans l’opinion publique. Pour l’embuscade de Palestro, les historiens ont mis à jour et démonté les mécaniques de propagande de l’armée française et des politiques relayés par les médias de l’époque, faisant de l’attaque des 21 rappelés du contingent français  un massacre symbolique  de la cruauté du FLN. Ils expliquent comment s’est formée la mémoire en France. Pour une romancière, cette mémoire est un matériau de fiction idéal dans la mesure où elle est par essence une construction donc  de la fiction. C'est la raison pour laquelle au début du chapitre 11, Alice Zeniter expose la version de l'embuscade de Palestro retenue par l'opinion publique française.

Art de perdre

Couverture de l'Art de perdre, prix Goncourt des lycéens 2017- Alice Zeniter


Pour autant « la fiction tout comme les recherches  sont nécessaires ».  Les livres d’Histoire racontent « scientifiquement » ce qui s’est passé, expliquent les mécanismes de la mémoire et influencent notre vison des événements. Dans le roman, on raconte l’Histoire par le biais d’un personnage neutre.  Ali, qui vit les événements  ne sait alors rien de toutes  les études qui en ont été faites plus tard par les historiens. C’est une approche individualisée et sensible de l’Histoire qui est donnée. Elle est forcément subjective mais aussi très vivante.

Lien entre le narrateur (Naïma ) et l’auteur (Alice Zeniter)

On présente l’Art de perdre comme un roman autobiographique mais il ne faut pas confondre la narratrice Naima avec l’auteur, Alice Zeniter. Évidemment, l’auteur utilise des éléments de sa propre histoire (sa vie en Normandie, son histoire familiale) mais il ne s’agit pas d’un « copie-collé » de son existence  sur celle du personnage de Naima.
Alice Zeniter a affirmé avec force « je suis l’auteur, j’écris le roman, je ne peux pas être un personnage du livre puisque je le construis ou alors je suis tous les personnages. Un personnage, et en particulier la narratrice Naïma, est forcément fictionnel. Pour le construire, je m’empare de mon histoire, je m'empare de l’Histoire et j’en fais ce que je veux. »

Le personnage d’Ali : un homme face à des choix ?

La question du choix dans une guerre d’indépendance semble cruciale. De manière manichéenne, on a présenté après coup  comme évidente la possibilité de choisir entre le FLN et l’Algérie française pendant la guerre d’Algérie. Cette question philosophique du choix est centrale dans le roman et se pose en particulier avec  le personnage d’Ali. Or,  Ali ne choisit pas, le « choix » s’impose à lui. Alice Zeniter a voulu casser cette idée du déterminisme : « La liberté des hommes est une fiction. Ali n’est pas libre de choisir le FLN ou l’Algérie française. » Plusieurs éléments rendent en effet difficile le choix : la survie économique, la perte d’un ami ou d’un proche (dans le roman, l’assassinat de l’ancien combattant, ami d’Ali), la place dans la société (Ali  est patriarche, chef de clan, sa décision n’implique donc pas que lui mais tout son clan)… C’est très facile de juger après coup, lorsque la situation est dépassionnée mais sur le moment, Ali « subit » les événements.
Le personnage d’Hamid : le jugement d’un fils et la construction d’une existence « déracinée » ?
Typiquement, Hamid, le fils d’Ali ne comprend pas ce qu’il estime être le « choix » de son père. Son incompréhension vient du fait qu’il n’a pas la même grille de lecture des événements. Le contexte a changé dans les années 80 : on voit dans le harki un traître. Hamid ne comprend pas que son père n’a pas les mêmes repères et qu’il n’a pas « raté l’indépendance » car il n’en avait même pas conscience. Il en ressort une incompréhension mutuelle entre Ali, le père qui se mure dans le silence et Hamid, accusateur et qui finit par se détacher de sa famille et de ses « racines ». La solution pour cesser de se disputer est d’accepter qu’on ne se comprend pas.

La religion

La croyance religieuse et en particulier celle au Mektoub influe le « non choix » d’Ali. En effet, selon le Mektoub « tout est déjà écrit », cela rend inutile toute volonté de changer le cours de l’histoire. Ali n’a pas de conscience politique, il s’en remet à Dieu. Hamid, lui, s’émancipe de la religion pour « prendre sa vie en main ». Il est ici plus question de pratique que de croyance. Dans l’enfance et jeune adulte, Hamid ne croit pas forcément mais il pratique et fait « par habitude », par « tradition » le ramadan. Lorsqu’il décide d’arrêter le ramadan, il le fait pour « gommer les stigmates qui font que la société française le rejette », il rompt avec des habitudes de sa famille et fait un choix identitaire.

Les personnages : des héros ?

Le roman fait allusion à des héros comme Ulysse et Enée. Ali, le harki peut-il être un héros, un nouvel Ulysse ? Oui assurément. En fait, il n’y a pas d’être humain qui ne mérite d’être chanté. Chaque être humain est un héros potentiel. Les « migrants » qu’on déshumanise par un pluriel généraliste sont autant de héros individuels qui réalisent une Odyssée digne d’être chantée. Traditionnellement, ce n’est pas un « bon » sujet de la littérature française qui depuis un siècle a été majoritairement masculine, blanche et bourgeoise. Cela commence à changer. Des écrivain-e-s choisissent leur héros parmi les habitants de ZUS, les immigrés… Alice Zeniter en fait partie et admire les romanciers réalistes du XIXème siècle qui avaient cette même démarche.

L’identité d’un Français « issu de l’immigration »

Peut-on se dire « Algérien » si on est de nationalité française. La question de l’identité et de l’héritage du pays d’origine est centrale dans le roman. Le pays dont parle Naïma est le pays d’origine de ses grands-parents et de son père enfant. Le pays auquel se réfèrent les « Français issus de l’immigration » est en fait un pays lointain, une construction imaginaire qui n’est plus en phase avec la réalité du présent : ces Français qui se sentent (ou même se disent) Algériens  ne savent pas précisément ce qui s’y passe au quotidien, ils ne participent pas à la vie politique, culturelle du pays… Ils ont en héritage de ce pays la couleur de peau et une image qu’ils se construisent et qui est nécessairement fantasmée. Pour Naïma, c’est l’image faite des souvenirs que sa grand-mère Yéma lui transmet. L’Algérie devient un ailleurs rêvé, fantasmé et ce fantasme est entretenu soit par le récit de ceux qui en sont partis ( la grand-mère) soit par le silence (c’est le cas d’Ali).
On a parlé de « déracinement » pour évoquer les Français issus de l’immigration. En fait la solution est donnée par le poème d’Elizabeth Bishop , l’Art de perdre.
Chacun a droit à l’histoire, chacun doit pouvoir connaître ce qui s’est passé dans son pays d’origine mais il ne doit pas être déterminé par l’histoire. On ne peut s’émanciper de son histoire que si on la connaît. Alors faut-il avoir peur de « perdre ses racines » ? Personne n’est assigné à une résidence biologique, « l’art de perdre » ce n’est pas tout oublier, au contraire, c’est connaître et dépasser, c’est un acte de résilience par la connaissance.

 

Rôle de la littérature dans la société


Alice Zeniter se présente comme une auteure résolument engagée. Elle se pose la question du  poids de la littérature dans la société. Bien entendu, ce ne sont pas les romans à eux seuls qui vont changer le monde de manière significative. Mais ils ont un rôle à jouer.
A la différence de l’Histoire, le roman propose une vision sensible des événements. La fiction a aussi cette capacité à arracher un mot du sens étroit ou connoté qu’on a pris l’habitude de lui donner. Par exemple, le mot « harki » a longtemps eu et a encore une résonance très négative d’extrême droite, le harki, c’est « le traître », le « collabo ». Le personnage d’Ali, parce qu’on entre dans son intimité, dans la complexité de son histoire, donne un autre sens au mot « harki ». Le roman donne sa vision de l’Histoire à travers un héros. Longtemps Alice Zeniter n’a pas pu prononcer le mot « harki », l'écriture de l'Art de perdre l'a réconciliée avec ce mot.
(compte-rendu rédigé par Marie Cuirot)

Confronter l’histoire au roman : l’embuscade de Palestro  (travail mené en première L, exploitable en classe de terminale nouveaux programmes tronc commun et HGGSP )
    

En première L, la question 2 du thème 4 d'histoire portait sur la décolonisation à partir de l'exemple de la guerre d'Algérie. Dans le nouveau programme de terminale de tronc commun, cette question est un point de passage du chapitre "La France : une nouvelle place dans le monde" dans le thème II (La multiplication des acteurs internationaux dans un monde bipolaire). La question est aussi un jalons de l'axe 1 "histoire et mémoires des conflits" du programme HGGSP de terminale. Il apparaît intéressant de traiter cette question « différemment », en l'occurrence à partir de l'exposition prêtée par l'ONACVG et d'un travail autour du roman d'Alice Zeniter.
    En amont de la rencontre avec la romancière, les élèves de première L ont réfléchi sur le lien entre histoire et littérature. Encadrés par leur professeur d'histoire, Marie Cuirot, ils ont étudié un chapitre en particulier : le chapitre 11 de la première partie intitulée « l’Algérie de Papa ». Il y est question des conséquences de l’embuscade de Palestro dans le village d’Ali, grand-père de la narratrice Naïma. Le chapitre débute par l'évocation de l’embuscade de Palestro menée le 18 mai 1956 contre 21 rappelés du contingent français et devenue l’emblème de la « sauvagerie » du FLN dans la mémoire française. Après le rappel de la mémoire de cet épisode, la romancière « revient » à la fiction en imaginant l’armée française débarquant violemment dans le village d'Ali. Elle décrit la peur et la colère d’Ali, chef de clan et ancien combattant, qui pense à passer côté FLN mais qui finalement devient harki, non par idéologie, mais par concours de circonstances.

Pour mieux comprendre ce qui relève de l’histoire ou de la fiction dans ce chapitre, les élèves ont d'abord travaillé sur les travaux de l’historienne Raphaëlle Branche (cf fiche de travail élève dans l’onglet confronter histoire et roman)

palestro branche 



 « Palestro, le 18 mai 1956 : 21 militaires français tombèrent dans une embuscade. Un seul d’entre eux survécut, les corps des autres furent retrouvés mutilés. Quelques mois après que le contingent avait été rappelé pour lutter contre l’insurrection qui se propageait en Algérie, la nouvelle fit l’effet d’une bombe. « Palestro » devint vite synonyme de la cruauté de cette guerre qui ne disait pas son nom. Pourquoi, alors qu’il y eut d’autres embuscades meurtrières, a-t-on plus particulièrement retenu celle-ci ? Pour comprendre les raisons de cette persistance dans l’imaginaire national français, Raphaëlle Branche est allée enquêter en Algérie et comprendre ce qu’il en était là-bas. L’action des maquisards de l’Armée de Libération Nationale était-elle également distinguée ?
Mais l’analyse ne pouvait s’en tenir aux événements de l’année 1956 : il a fallu aller voir plus loin et interroger un passé plus ancien, là où s’étaient noués les liens coloniaux. Sous les pas des combattants de 1956 en effet, d’autres Français et d’autres Algériens avaient laissé leurs traces. Ce livre de Raphaëlle Branche est aussi leur histoire. »                        

Questionnement pédagogique

Pour comprendre comment s’est construite la « mémoire » de Palestro, les lycéens ont réfléchi sur un extrait d'un entretien accordé par Raphaëlle Branche à Pierre Testard  le 28 mars 2012, après la sortie de son livre et du documentaire éponyme, pour le magazine Nonfiction.fr. Ils ont également visionné le début du documentaire « l'Embuscade de Palestro » et ont dû répondre aux questions suivantes dans un premier temps :

      • Où est situé Palestro ?   
      • Quel est le décor de Palestro ?                                                                                               
      • Que s'y est-il passé le 18 mai 1956 ?                                                                                                  
      • Comment l'événement est-il inscrit dans la mémoire française ?                                                                
      • Les Algériens en ont-ils la même mémoire ?                                                                                      
      • Comment l'historienne R.Branche explique-t-elle le symbole mémoriel que constitue « l'embuscade de Palestro » pour les Français ?                                                                                                                       
      • Sur quelle période a-t-elle travaillé pour comprendre les événements du 18 mai 1956 ?

 

Palestro-

L'embuscade de Palestro vue par la presse Algéroise

Dans un deuxième temps, ils ont eu à lire le chapitre 11 du roman (pages 84 à 93) afin de saisir comment l'Histoire et sa mémoire sont utilisées par la romancière. La lecture était guidée par les questions suivantes :                                                                                                                                                   

  1. Quelle version des faits du 18 mai 1956 et de leur mémoire la narratrice donne-t-elle ?                                   
  2. Quelles conséquences l'embuscade a-t-elle dans le village d'Ali ?                                                               
  3. La romancière a-t-elle la même approche que l'historienne sur l'embuscade de Palestro ?                      
  4. Comment la romancière présente-t-elle le décor de Palestro?     
  5. Comment la romancière se sert-elle de l'Histoire pour  créer sa fiction ?

    Les questions préparées par les 1L pour Alice Zeniter concernaient donc l’utilisation de l’histoire en littérature. La démarche de la romancière en amont de l'écriture a été également interrogée, un parallèle avec le « carnet d’enquêtes » de Zola étant fait.

En complément de ce regard croisé lettres-histoire, le professeur de français de la classe de 1L, Brigitte Braud Denamur, a proposé aux élèves la lecture et le commentaire du poème d'Elizabeth Bishop, l'Art, une villanelle sur la résilience qui a inspiré le titre du roman d'Alice Zeniter. Pour faire la synthèse et évaluer tout ce travail, après la rencontre avec la romancière, les élèves de première ont eu à composer sur un (large) sujet : « pourquoi le mouvement de décolonisation qui s'engage dans le monde à partir de 1945 prend-t-il en Algérie un caractère si particulier qui a encore aujourd'hui des répercussions dans les mémoires collectives ? »


Les réponses attendues aux deux questionnaires sont téléchargeables dans l'encadré en savoir plus ci dessous

Démarche pédagogique en Lettres

Proposée par Marina Plus, professeur de lettres au lycée Jules Ferry.

Le prix Goncourt et le métier d'écrivain présentés dans l'option d'exploration « littérature et société » en seconde :

Les élèves de seconde 6 du lycée Jules Ferry ont participé au Goncourt des lycéens 2017 et à ce titre, ont lu le roman d'Alice Zeniter dans son intégralité. La participation au  prix Goncourt a été associée au programme de l'option d'exploration « Littérature et Société ».
En lien avec le thème « Ecrire pour changer le monde », la figure de l’écrivain au XIXème siècle», les professeurs, Marina Plus en français et Guillaume Node Langlois en histoire, ont fait travailler les élèves sur la vie culturelle et littéraire au XIXème siècle, et en particulier sur les frères Goncourt.

      • Présentation des frères Goncourt, de l’histoire du prix Goncourt et de l'Académie Goncourt
      • Visite du cimetière de Montmartre et de la tombe des frères Goncourt  : un cimetière typique du XIXème siècle où les tombes  montrent le statut social de leurs occupants
      • étude de la vie artistique au XIXème siècle : liens entre les différents arts (peinture, musique, littérature : évocation de la villa Médicis à Rome) et présentation des salons.

    Ensuite, le thème « Des tablettes d’argile à l’écran numérique : l’aventure du livre et de l’écrit» a permis de présenter le métier d'écrivain en suivant plusieurs axes :

      • Le travail de l’écrivain : comment écrit-il , comment prépare-t-il un livre? Pourquoi ? Pour qui ?      
      • L’écrivain, le pouvoir et la censure.
      • Evolution du  statut de l’écrivain
      • Les écrivains et la lecture : Montaigne, Rousseau, Sartre.
      • Et vous, quel lecteur êtes-vous ?
      • Edition, diffusion, droit d’auteur.
      • Les prix littéraires, polémique, aspect politique.

L'Art de perdre, roman du prix Goncourt des lycéens 2017 :


A l'automne 2017, les élèves se sont lancés dans l'aventure du prix Goncourt. En cours de lettres et au CDI, le professeur, Marina Plus et la documentaliste, Sandrine Mazokopakis, ont encadré la lecture de la sélection des romans du Goncourt. Une journée intitulée « Un livre, un jour » a été lancée pour aider les élèves avant les vacances de la Toussaint : l’équipe pédagogique de la classe a laissé les élèves lire toute la journée sur les heures de cours et les a encadrés … en lisant !

Pour amorcer la lecture, les lycéens ont eu à rédiger un incipit à partir de la consigne : « Choisissez un roman de la sélection, écrivez-en  la première page à partir du titre ». Cette façon de préparer les lectures visait à donner envie aux élèves de lire avant d'aborder la typologie des romans, leur ancrage dans une tradition littéraire ou au contraire, leur démarcation. Chaque élève a pu commencer la lecture de la sélection par le roman qu'il avait choisi  et comparer ainsi son travail avec l'imaginaire de l’auteur.

Dans un deuxième temps, un travail sur l’argumentation  a été mené, avec une initiation à la dissertation : «Selon vous, une histoire intéressante suffit-elle à faire un bon roman?». Parallèlement, un travail sur la  critique littéraire a été entrepris : les élèves ont lu et analysé plusieurs critiques des livres de la sélection. Cela leur a permis de repérer les différentes composantes d'une critique : informer, raconter, analyser, porter un jugement. Ils ont pu aborder les notions de  thèse, argument,  éloge, blâme, registre polémique. Enfin, les figures de style au service de l’argumentation ont été étudiées.

Les lycéens ont écrit leurs propres critiques, publiées sur le site du lycée. Celles-ci ont pu être utilisées lors des débats au CDI, confrontant les romans de la sélection. Les secondes 6 ont eu l'honneur d'être retenus pour les Rencontres Nationales Goncourt et se sont déplacés avec leurs professeurs à Rennes où ils ont participé à un atelier d’écriture.

Voici un exemple de critique réalisée par une élève sur l’Art de perdre : Hélène.D élève de Seconde 6
« L'Art de perdre raconte l'histoire émouvante de Naïma, petite-fille de harki, dont la famille est  contrainte de fuir  l'Algérie en 1962. On assiste successivement à l'arrivée du FLN, l'indépendance de l'Algérie, l'exil de la famille en France, puis la vie dans les camps et les HLM. Les personnages tentent de vivre dans une contrée raciste alors que le pays d'où ils viennent les méprise. Une pied-noir dira à Hamid, le père de Naïma, en désignant les Français : « La seule chose qui leur faisait plus peur que nous, c'était vous, les Bougnoules. »
L'auteur, elle-même petite-fille de harki, raconte indirectement son histoire à travers cette œuvre de fiction. Une histoire trop longtemps restée silencieuse. Elle raconte de façon bouleversante mais élégante les souffrances de milliers de personnes.
Ce récit est captivant, à la fois triste et magnifique. On s'attache à cette famille rejetée de tous, condamnée au silence et à l'oubli de ses origines pour essayer de s'intégrer dans un pays dont elle ne sait presque rien. Souvent qualifié de « chef-d’œuvre », ce roman raconte, avec subtilité et brutalité, un passé douloureux et presque oublié d'une famille ayant tout perdu: ses biens, sa dignité, sa noblesse et même sa culture. »                       

Préparation de la venue  d’Alice Zeniter au lycée Jules Ferry.

L’Art de perdre est  le roman qui a remporté le plus de suffrages lors du vote national du Goncourt des lycéens. C'était donc un honneur de pouvoir rencontrer la lauréate le 12 avril au lycée.
En amont de la rencontre avec la romancière, les élèves de seconde 6 et de première L1 ont préparé l’échange avec l’écrivaine par une contextualisation historique grâce à la venue d'une exposition itinérante de l’ONAC VG intitulée« la guerre d’Algérie, histoire commune, mémoires partagées » exposée au lycée du 12 au 23 mars 2017.
Deux semaines avant la venue d'Alice Zeniter, des élèves volontaires ont sélectionné des passages du roman qui avaient retenu leur attention et qu’ils souhaitaient soumettre aux autres. Le professeur de lettres a fait la même chose. Les recherches mises en commun ont fait émerger quatre thèmes : le rapport entre l’Histoire et la fiction, la question de l’identité, le personnage d’Ali et la question du choix, la littérature et l’engagement. Des extraits du roman repérés par les élèves volontaires ou par le professeur et illustrant ces thèmes ont été relus. Ils ont inspiré aux élèves, travaillant en groupes, les questions à poser à l’auteure.

Questions posées par les élèves à Alice Zeniter :

      • Vous êtes-vous appuyée  sur des travaux d’historien, comme ceux de Raphaëlle Branche, pour évoquer des événements historiques, par exemple l’embuscade de Palestro ?
      • Avez-vous réalisé un carnet d’enquête à la Zola ?
      • Pourquoi, selon vous, je vous cite, « la fiction, tout comme les recherches sont nécessaires » quand on ne possède quasiment rien sur son passé ? Autrement dit,  peut-on mettre sur le même plan recherches historiques, enquête (comme le déplacement au camp de Rivesaltes) et fiction ?
      • Vous dissociez dans votre roman le personnage de Naïma d’un « je » narrateur-auteur. Pouvez-vous expliquez ce choix ? Est-ce une façon de prendre des distances par rapport à votre propre histoire ?
      • Êtes-vous d’accord avec la remarque de Marguerite Duras ? Le bon plaisir, octobre 1984. « On n’écrit rien en dehors de soi, ça n’existe pas ». « L’histoire de notre vie, de ma vie, elle n’existait pas. Le roman de ma vie, de nos vies, oui, mais pas l’histoire. C’est dans la reprise du temps par l’imaginaire que le souffle est rendu à la vie ».
      • Peut-on dire qu’Ali a fait un choix politique en n’adhérant pas au FLN ?
      • Vous montrez qu’Ali se méfie du FLN, en trouve les membres trop jeunes, mal éduqués et pense qu’ils ne sont pas en position de gagner contre la France. D’autre part, ils ont tué son ami ancien combattant. Ce personnage n’est-il pas intéressant parce que justement il n’a pas lui même compris ce qui lui est arrivé ?
      • Hamid ne comprend pas le choix de son père, et se demande  «  ce qui s’est passé  dans la vie de mon père pour qu’il se détourne de sa propre indépendance ?
      • Comment est-ce qu’on peut rater un aussi gros tournant de l’Histoire ? » . Qu’est-ce que cette scène nous révèle sur l’incompréhension entre deux générations ?
      • Peut-on expliquer également l’absence de conscience politique d’Ali par la croyance au Mektoub ?
      • Si l’on pense que tout est déjà écrit, comment peut-on justement vouloir changer le cours de l’Histoire ?
      • N’avez-vous pas voulu montrer, à travers le personnage d’Hamid, qu’on peut, je cite « écrire le présent comme une histoire que les siècles sauront lire », c'est-à-dire prendre sa vie en main ?
      • Est-ce ainsi qu’il faut comprendre son choix d’arrêter de faire le ramadan ?
      • Le roman fait quelques allusions à des héros comme Ulysse ou Enée.  Avez-vous voulu, comme le fait Virgile, « chanter les armes et le héros » de votre histoire sans héros justement et «  qui n’a jamais été chantée » comme vous le dites ? 
      • Face au silence de votre grand-père, n’avez-vous pas voulu lui rendre la parole et donner un sens à sa vie ? Est-ce pour lui rendre une certaine noblesse, sa dignité ?
      • Peut-on se dire Algérien ou d’une autre nationalité quand on ne vit pas dans le pays de ses ancêtres?
      • Le silence des parents ou grands-parents n’entretient-il pas le fantasme sur le pays d’origine ?
      • A la fin du roman, Ifren, Algérien, dit à Naïma : «  ce qu’on ne transmet pas, ça se perd, c’est tout. Tu viens d’ici mais ce n’est pas chez toi.»  Une leçon de ce roman ne serait-elle pas : apprends à perdre tes racines  «  sans que leur perte  soit un désastre »   comme le dit le poème d’Elisabeth Bishop ? Dans quelle mesure le poème d’Elisabeth Bishop a-t-il  été déterminant pour l’écriture de votre livre ?
      • Croyez-vous qu’aujourd’hui encore, le livre puisse avoir un poids dans la société ?


La romancière a répondu souvent en élargissant son propos et en relançant l’échange avec les élèves. Nous avons donc choisi de faire un compte rendu global de son intervention sur chacun des quatre thèmes plutôt qu’une restitution complexe des réponses aux 14 questions d’élèves.

Les 22 panneaux de l’exposition réalisée par l'ONACVG et l'ECPAD, sont divisés en trois thèmes

      • La colonisation
      • Se battre en Algérie
      • Les mémoires de la guerre

Thème 1- La colonisation

Panneau 1 - chronologie générale
Panneau 2 - une conquête longue et violente
Panneau 3 - un enjeu majeur: la terre
Panneau 4 - quelle administration pour l’Algérie ?
Panneau 5 - barrières et rencontres
Panneau 6 - soldats de France
Panneau 7 - l’émergence du nationalisme algérien

colo P4Panneau N° 4 - Quelle administration pour l'Algérie ?


Thème 2 - Se battre en Algérie

Panneau 8 - se battre pour l’Algérie
Panneau 9 - la population au coeur du conflit
Panneau 10- guerre ou maintien de l’ordre
Panneau 11 - la guerre en métropole
Panneau 12 - le Sahara : un atout stratégique
Panneau 13 - la république à l’épreuve de la guerre
Panneau 14 - le FLN internationalise la guerre
Panneau 15 - fins de guerre
Panneau 16 - quels bilans ?

se battre P13
Panneau N°13 - la République à l'épreuve de la guerre

Thème 3 - Les mémoires

Panneau 17 - les mémoires dans l’espace public
Panneau 18 - les associations : revendications et luttes
Panneau 19 - Algériens en France
Panneau  20 - l’État et les mémoires
Panneau  21 - étudier et transmettre
Panneau  22 - représenter la guerre

mémoire P21
Panneau N°21 - étudier et transmettre



L’ensemble de l’exposition est téléchargeable au format pdf dans l’encadré « en savoir plus » ci dessous