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Présentation d'ouvrage

L'éloge de l'immobilité (2018, Desclée de Brouwer) de Jérôme Lèbre, Professeur de philosophie en classes préparatoires littéraires, Lycée Hélène Boucher, Paris

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« Dans ce monde qui semble soumis à une accélération constante, où l’on ne cesse de louer la marche ou la course, nous souhaitons et craignons à la fois que tout ralentisse ou même que tout s’arrête. L’ambivalence de ce désir reste à étudier, comme ce que signifie aujourd’hui le fait de ne pas bouger. »

 

Cette première phrase qui présentait l’ouvrage à sa parution résonne étrangement dans le contexte que nous vivons. Ce n’est pas qu’un « éloge » de l’immobilité. Car il y est bien question des formes d’immobilisation contrainte, ou de privation de mouvement : la maladie et la paralysie, la prison…. Il se trouve aussi que certaines de ces formes nous sont habituelles, même dans une société définie par la mobilité, car de fait l’accélération se renverse en fixation, comme aujourd’hui la propagation exponentielle du virus due à la mobilisation se renverse en confinement ; et c’est ainsi que nous nous retrouvions déjà habituellement figé.e.s devant une machine ou un écran, ou même dans un avion, un train, une voiture, que celle-ci roule ou qu’elle soit elle-même immobilisée dans un embouteillage.  

L’ouvrage souligne que l’immobilité a toujours été une position radicale, de méditation ou de retrait comme de résistance politique (Gandhi, le mouvement des places..). Elle radicalise également l’habituel souhait de lenteur, simple réaction à la prétendue accélération du monde, qui ne sait pas ce qu’il veut (la « lenteur » est indéterminée) et ne va pas au bout de ce qu’il veut : le ralentissement reste une fin sans finalité, alors que l’immobilité est proche de la finalité sans fin, d’où les références de l’ouvrage à l’art (sculpture, photographie, tableaux vivants, images arrêtées au cinéma…) 

Il s’agit alors de se demander si l’on peut transformer la contrainte en liberté… Ce n’est pas facile, le résultat n’est pas garanti, mais peut-être que l’immobilité, souvent oubliée ou minorée dans les recherches sur les mobilités, gagne un peu plus de sens dans le fait d’essayer. Car ce livre a tout de « l’essai », comme l’est, aujourd’hui, pour tous et pour chacun, le confinement lui-même…