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Programme limitatif pour l'enseignement de spécialité de cinéma audiovisuel 2022-2023

Découvrez les trois oeuvres cinématographiques au programme de la spécialité CInéma-Audiovisuel, en classe de terminale : Ready Player One de Steven Spielberg (2018), Secret beyond the door  de Fritz Lang (1947) et I Vitelloni (Les Vitelloni) de Federico Fellini (1953). 

Pour l'année scolaire 2022-2023, les œuvres cinématographiques retenues sont les suivantes :

Ready Player One de Steven Spielberg, fiction, 2018

Ready Player One, sorti en 2018, est un film de science-fiction américain coproduit et réalisé par Steven Spielberg. Il est l'adaptation du roman éponyme d'Ernest Cline, paru en 2011. Production de très grande envergure qui nécessite le financement des sociétés de Steven Spielberg, DreamWorks SKG et Amblin Entertainment, Village Roadshow Pictures et celle de Donald De Line, il est l'une des premières œuvres cinématographiques à mêler sur différents paliers diégétiques la prise de vue réelle et la reconstitution d'images virtuelles de jeux vidéo. Il n'en demeure pas moins une œuvre personnelle dans laquelle l'auteur se met en scène, sous les traits d'un créateur d'Entertainment, en usant par cet avatar de la liberté de se livrer. Durant la longue postproduction du film, Steven Spielberg manifestera encore cette liberté créative souveraine en développant et en tournant parallèlement le film politique Pentagon Papers, qui sortira quelques mois avant Ready Player One.

Ready Player One met en scène dans un futur proche un monde ressemblant au nôtre, en proie à de graves crises, dans lequel la population s'est réfugiée dans l'univers virtuel d'un jeu vidéo nommé l'Oasis, seul espace de rêve et utopie face à une réalité devenue dystopique. Chaque individu peut y jouer sous la forme d'un avatar anonyme. À la mort de James Halliday, créateur et propriétaire de l'Oasis, un concours ouvert à tous est lancé pour déterminer qui en sera l'héritier : la quête virtuelle d'un « œuf de Pâques » caché dans l'Oasis déterminera le gagnant. À travers les nombreuses péripéties, réelles ou virtuelles, énigmes et épreuves qualifiantes qui mettent aux prises différents groupes d'individus et de lobbies, c'est la question de la survie de la liberté de cet espace qui est en jeu : avec cette fable contemporaine, ses références multiples et ses jeux de pistes en abîme, Spielberg, créateur vieillissant, mais éternellement jeune, invite ses spectateurs à réfléchir au devenir des grands médias de divertissement partagés entre Majors et simples gamers, Industries et Art, esprit de sérieux et enfance, business et plaisir.

On étudiera plus particulièrement Ready Player One dans la perspective des questionnements suivants :

  • Art et industrie

L'analyse de l'œuvre et de son système de production, de la place particulière occupée par son auteur au sein de l'industrie cinématographique depuis près de cinquante ans, permet d'interroger les tensions entre les modes de création et les modes de production sur l'ensemble de la chaîne économique (fabrication, distribution, exploitation) et d'explorer les relations complexes qui se développent entre art et industrie qu'il serait simpliste d'opposer.

Tant dans son système de production que dans l'univers diégétique qu'il construit et thématise, Ready Player One  propose une réflexion sur cette tension inhérente au cinéma, depuis ses origines. Lucide mais optimiste, Spielberg nous invite à envisager quelles seraient les conditions d'une autonomie créative au sein d'un système, en interaction avec son public.

  • Un cinéaste au travail

Entrer dans la fabrique (de sa préparation à sa postproduction) d'un film aussi foisonnant et complexe que Ready Player One, qui mobilise des équipes et des moyens multiples, permet d'interroger comment un auteur travaille avec différents partenaires et quelles stratégies il déploie pour garder la main sur la production et la vision de l'œuvre.

À travers le jeu des clefs, des références explicites ou cachées, des signatures diverses que le film manie avec jubilation, l'auteur se livre comme jamais et compose un portrait de lui en créateur resté enfant. 

 

Secret beyond the door (Le secret derrière la porte) de Fritz Lang, 1947

Réalisé par Fritz Lang en 1947 et sorti en août 1948, Secret beyond the door (Le secret derrière la porte) est le douzième film de la période américaine du cinéaste exilé en Californie entre 1935 et 1956, après un passage d'un an en France où il dirige Liliom (1934).

Adaptation très libre du conte populaire Barbe bleue ou encore de Jane Eyre de Charlotte Brontë, Secret beyond the door met en scène Celia, une jeune new-yorkaise, riche, élégante, qui, lors d'un voyage au Mexique, tombe amoureuse de Mark Lamphere, architecte, qui la demande en mariage. Lors de leur lune de miel, les premiers comportements étranges de son époux commencent à étonner la jeune femme qui découvrira par la suite que, dans les étages inférieurs de sa demeure, il a reconstitué des chambres dans lesquelles de célèbres meurtres ont été commis. Seule la chambre VII n'est pas visible et personne ne sait ce qui se cache derrière sa porte...

Traduisant l'intérêt du cinéaste pour la psychanalyse et le rôle de l'inconscient, cette œuvre plastique de Fritz Lang, à la dramaturgie parfaitement construite, s'attache à la mise en scène de la subjectivité à l'écran. Aussi n'est-il pas sans dialoguer avec deux films du grand maître anglais, Rebecca et Spellbound (La maison du Docteur Edwardes), sortis respectivement en 1940 et 1945.

Quoiqu'œuvre à suspense, à l'ambiance mystérieuse et inquiétante, Secret beyond the door n'est pas pour autant à ranger au nombre des films noirs américains : il n'en est qu'à la lisière. Il appartient, en réalité, au genre du mélodrame dit « gothique de femme » : construit sur des thèmes et des motifs troublants que l'on retrouve de façon récurrente - l'innocence d'une épouse confrontée aux lubies étranges d'un mari visiblement déséquilibré -, et qui sont créateurs de tensions, parfois insoutenables, pour le spectateur. Fritz Lang, au fil du temps, de la première période allemande à la seconde en passant par la césure américaine, devenu maître du film criminel qui manipule le spectateur, a su en instaurer les codes, faire varier les approches et renouveler les formes narratives.

C'est pourquoi, pour étudier ce film avec les élèves de l'enseignement de spécialité cinéma-audiovisuel, on privilégiera deux questionnements : « transferts et circulations culturels » et « un cinéaste au travail ».

On étudiera plus particulièrement Secret beyond the door  dans la perspective des questionnements suivants :

  • Transferts et circulations culturels

Les formes, les références et les motifs issus de la culture européenne du cinéaste se confrontent aux codes du film de genre hollywoodien dans un jeu intertextuel virtuose : entre « naturalisation » et « hybridation », Lang s'approprie autant ce qui vient de sa culture d'origine que celle de son pays d'adoption, en créant une œuvre totalement singulière, relevant d'un « gothique » romantique et vénéneux.

De manière sous-jacente, le cinéaste allemand y joue une confrontation secrète avec l'autre grand cinéaste émigré aux États-Unis, Alfred Hitchcock : entre hommage, concurrence et dialogue meta, Secret beyond the door répond aux célèbres pièges narratifs et cinématographiques hitchcockiens sur les abymes du subconscient, voire les devance. 

Lang n'en poursuit pas moins l'exploration profonde de ses propres obsessions morales et esthétiques, en convoquant toute sa filmographie antérieure : depuis Mabuse ou M, l'enjeu des images et des formes langiennes reste l'épreuve du Regard, entre sidération, fascination libératrice ou jugement mortifère.

  • Un cinéaste au travail

L'analyse de la genèse et de la production du film, appuyée notamment sur des documents spécifiques (notes de travail, extraits de scenarii, plans au sol, documentaires, interviews de Lang, dans Le Dinosaure et le bébé, notamment), permet de retracer les différentes étapes de la fabrication maniaque et géniale d'un chef-d'œuvre. Entrer dans la carrière de Lang, c'est éprouver et analyser pas à pas la valeur des différents choix opérés par l'auteur pour affirmer son point de vue et assurer la cohérence de la direction artistique. 

Se pose en particulier la question de la maîtrise d'ouvrage d'un cinéaste exilé au sein de la machine à rêve hollywoodienne : il ne suffit certes pas à dire que Lang l'exerçait de manière tyrannique pour s'en débarrasser.  Comment garder le contrôle ? C'est un enjeu que toute la carrière américaine de Lang s'attache à poser, à travers ses succès, ses ratés et ses stratégies. 

 

I Vitelloni (Les Vitelloni) de Federico Fellini, 1953

I Vitelloni, le troisième film de Federico Fellini (Rimini, 1920 - Rome, 1983), n'appartient pas à ce que l'on appelle communément « l'âge d'or du cinéma italien », qui débute avec les années 60, mais il s'inscrit dans une époque où le cinéma italien commence à rompre avec le néoréalisme d'après-guerre. Les premières transformations sont perceptibles à l'orée des années 50 dans Miracle à Milan de Vittorio de Sica (1951), œuvre dans laquelle le réalisme se mêle au merveilleux, dans Stromboli de Rossellini (1950) ou encore dans Bellissima de Visconti (1951), où « la représentation du collectif s'étiole au profit de portraits individuels ». Elles se poursuivent avec la rupture politique que peut marquer en 1952 Umberto D. ou encore l'année 54 qui connaît la sortie conjointe de films aussi différents que La Strada de Fellini, Voyage en Italie de Rosselini, Senso de Visconti ou encore Un Américain à Rome de Steno.

I Vitelloni se situe au tournant : sorti en 1953, l'action du film se déroule au cours de cette même année - la première scène se passe pendant l'élection de « Miss Irena 1953 »  - et elle met en scène un type de personnage nouveau, « les gros veaux », que le titre français a rendu par « Les inutiles » : cinq hommes, « Tanguy » de leur génération, bien que trentenaires, vivent aux crochets de leur famille et passent leur journée en déambulations dans la ville ou sur la plage, en jeux, festivités diverses et flirts incessants. Ils sont hâbleurs, trompent, mentent, corrompent, volent, rien ne les arrête pour que, coûte que coûte, leur vie se déroule dans le farniente et les plaisirs épicuriens. « J'ai toujours raconté l'histoire du mâle italien, lâche, égoïste et puéril. Les femmes de mes films sont toujours vues à travers les yeux d'un protagoniste masculin qui est prisonnier de certains tabous, conditionné par une éducation catholique [...] », commente Fellini. Pour autant, les personnages féminins ne sont pas particulièrement mis en valeur dans I Vitelloni : Sandra, l'épouse de Fausto, le « gigolo », est d'une naïveté à faire pleurer, quant à Olga, la sœur d'Alberto, fainéant et profiteur, gardien de la morale catholique, subit les défauts et les critiques de son frère sans sourciller, l'entretenant autant que de besoin. Confusément pourtant, ces personnages sont en quête d'une transcendance et d'une grâce (comme dans la scène burlesque du vol de l'ange) qui se trouvent caricaturées à leur contact et qui semblent les fuir.   

Ce film, constitué de saynètes qui s'enchaînent les unes aux autres, nous faisant passer d'un moment de vie d'un personnage à un autre, d'une scène entre les cinq amis à une autre, mime l'ennui et l'écoulement du temps dans une ville de province, probablement Rimini, que connaît bien le réalisateur puisqu'il y est né. Comédie, traversée par des scènes qui ne sont pas sans rappeler le mime - on pense par exemple à la scène dans laquelle Alberto se moque grossièrement des « lavatori » -, où les personnages (et le spectateur) s'amusent, I Vitelloni a aussi la saveur du drame que l'esthétique en noir et blanc, le jeu des ombres et des lumières viennent souligner  - cf. la scène entre Sandra et Fausto à la sortie du cinéma ou la chambre de Moraldo écoutant sa sœur pleurer - et qu'annoncent l'orage interrompant brutalement les festivités de la première scène ainsi que le motif, très fellinien, du « vent qui vient de la mer » et balaie tout sur son passage. Combien de temps pourra vraiment durer cette vie corrompue et idiote ?

La musique du film, celle de Nino Rota, qui travailla avec Fellini du Cheik blanc en 1952 à Répétition d'orchestre en 1978, signa plus de 170 musiques de film et fut célébré aux Oscars de 1972 pour celle du Parrain, met en évidence cette oscillation entre comédie et drame : musique de cirque, elle peut également être symphonie aux notes inquiétantes, tristes ou mélancoliques. On notera également qu'à deux reprises, notamment dans la grande scène du Carnaval, c'est la célèbre Nonsense Song que chante Charlot dans Les Temps modernes qui accompagne le bal où les couples dansent joyeusement, se lient et se délient, cette musique, au titre signifiant, venant comme illustrer la thématique centrale du film. Ce sera le personnage le moins « Vitellono » des cinq qui quittera cette vie de non-sens : le frère de Sandra, Moraldo, s'en va en train, les bruits de la locomotive venant se poser sur les images de ses compagnons dormant dans la sérénité illusoirement retrouvée.

On étudiera plus particulièrement I Vitelloni dans la perspective des questionnements suivants :

  • Périodes et courants

Si le film s'éloigne du néo-réalisme historique, lié au droit d'inventaire par le regard d'une Nation en reconstruction, il n'en récupère pas moins certains traits caractéristiques (la peinture sociale, le bilan d'une époque, l'inscription dans un paysage - fût-il urbain) que Fellini fait sien et accommode de sa tonalité propre : autant Rossellini avait lancé, avec Rome ville ouverte, le néo-réalisme sur la voie d'un art de la juste distance, à la fois proche et loin, autant Fellini ne craint plus l'empathie, l'outrance, voire la nostalgie teintée de souvenirs personnels, avec ses vilains garçons.

À travers ces comparaisons de part et d'autre de la fin officielle du néo-réalisme, ce sont bien les mutations d'un courant cinématographique, principal vecteur de renouveau du cinéma de l'après-guerre, qui méritent d'être interrogées, et, au-delà, la manière dont s'écrit l'histoire du cinéma : par glissements et pivots autour d'œuvres centrales plutôt que par ruptures.  

  • Un cinéaste au travail

L'analyse de la genèse et de la production du film, appuyée notamment sur des documents spécifiques (notes de travail, extraits de scenarii, dessins préparatoires), permet de retracer les différentes étapes de la fabrication d'un chef-d'œuvre.

Se pose en particulier la question de la continuité fascinante de l'imaginaire fellinien à toutes les étapes d'élaboration du film : dès les dessins préparatoires, le film est là, dans une cohérence qui donne à ce processus créatif les allures d'une création continuée - qui pourra nourrir en retour celui des élèves.