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Utiliser la banque de ressources numériques éducatives (BRNE) “Equipe Réussite” de Français langue seconde

Gaëlle Morois, enseignante en UPE2A NSA et en classe de Troisième au collège Robert Doisneau, propose une présentation de la BRNE « Equipe réussite » . Ces ressources qui favorisent l’inclusion des élèves allophones peuvent aussi être utilisées en classe « ordinaire » et constituer une source d’inspiration pour enseigner le français du cycle 3 au lycée.

1. La BRNE : des ressources en Français langue seconde pour inclure les élèves allophones ou anciennement allophones

 

La banque de ressources Équipe Réussite, produite par les éditions Didier sur une commande du Ministère de l'Éducation nationale, répond en premier lieu aux défis posés par l’inclusion des élèves allophones qui, après un passage en dispositif spécifique (unité pédagogique pour élève arrivant allophone, UPE2A), suivent les cours avec une maîtrise encore toute relative du français de communication et du français scolaire.[1] Ces ressources tentent de répondre aux interrogations suscitées dans tous les cours par l'accueil des élèves allophones.

Comment les aider à  suivre ? Comment faciliter leur compréhension des documents et des activités ? Comment leur faire acquérir les structures morpho-syntaxiques qui leur permettront de s’exprimer, à l'écrit et à l'oral, dans une langue correcte ?

Les vingt-huit  parcours qui composent la BRNE ont été réalisés par des enseignants exerçant dans les dispositifs de scolarisation des élèves allophones, spécialistes du Français langue seconde (FLS) que l’on peut définir avec Jean-Pierre Cuq comme

“un mode d’enseignement et d’apprentissage du français auprès de publics scolaires dont la langue d’origine est autre que le français et qui ont à effectuer tout ou partie de leur scolarité dans cette langue.”

mais offrent de multiples potentialités pédagogiques sans doute liées à la variété des situations que cette dénomination recouvre.[2]

 

D’ailleurs le S du sigle est aussi devenu l'initiale de “Scolarisation” dans la mesure où cette langue est celle de l’école, avec ses implicites et son métalangage, porteurs des attendus et des codes de notre système scolaire. M. Verdelhan-Bourgade [3]parle d’ailleurs de “continuum “ entre le FLE, le FLM et le FLS en rappelant qu’ils constituent “des ensembles juxtaposés mais non étanches”, qu’elle schématise ainsi :

Continuum FLE-FLS-FLM

Il ne s’agit pas d'entraîner les élèves à pratiquer un français de communication autour de situations du quotidien mais bien de répondre aux défis d'une scolarisation dans une langue qui n'est pas encore totalement acquise. C'est pourquoi les parcours sont tous orientés vers une pratique ou une discipline scolaire.

 

S'interroger sur sa démarche de lecteur, apprendre à composer une dissertation, lire et comprendre un poème du XVIe siècle, autant d’exercices scolaires qui exigent la maîtrise d'une langue complexe, pleine de pièges polysémiques et d'implicites culturels que nous ne pensons pas toujours à percevoir comme source de malentendus. Certains mots du quotidien peuvent aussi faire défaut aux élèves allophones et entraîner des contresens que l’enseignant n’anticipe pas nécessairement. Étudier la nouvelle de Théophile Gautier si on ne sait pas ce qu’est une « cafetière » complique par exemple la tâche…

La BRNE peut donc favoriser l' inclusion des élèves allophones en offrant un support de différenciation qui leur permettra par exemple de travailler en autonomie sur tablette ou sur ordinateur à la maison ou en cours. On peut par exemple imaginer que ces élèves aient accès aux exercices leur permettant de se familiariser avec le vocabulaire d’un texte  afin de ne pas se heurter à des termes qui les empêcheraient de comprendre le sens littéral d’un texte, ou de renforcer leur maîtrise du métalangage, de réviser des structures morpho-syntaxiques...

 


2. Une scénarisation rigoureuse

 

Les auteurs de la BRNE ont élaboré des activités qui reprennent les invariants des exercices en ligne (écoute ou lecture de documents, vérification de compréhension par des QCM ou des exercices à trous, activités de substitution ou d’appariement, réinvestissement sous forme de production  écrite et orale.)

Mais la notion de parcours constitue un levier pédagogique supplémentaire efficace. En effet, les exercices s'inscrivent dans une progression structurée par une granularisation apparente. Chaque parcours comporte trois paliers subdivisés en trois ou quatre modules composés de  cinq ou six grains. Cette organisation garantit une pédagogie de la progression : l'élève commence souvent par découvrir le vocabulaire et /ou les structures syntaxiques en lien avec le thème étudié puis les manipule grâce à des exercices autocorrectifs avant de les réinvestir dans une production. Cette logique s'inscrit dans l'approche actionnelle à l’œuvre dans l'enseignement des langues telle qu'elle est décrite dans le Cadre européen commun de référence pour les langues.[4]

L’efficacité du recours au numérique suppose par ailleurs l’élaboration d’une construction pédagogique rigoureuse qui engage l’élève dans une dynamique d’apprentissage, régulée et planifiée,  pour ne pas l’égarer dans un dédale d’exercices qu’il aborderait comme autant de “jeux de hasards”. Franck Amadieu et André Tricot[5] rappellent à cet égard l’importance de la scénarisation et du guidage : l’autonomie totale de l’élève fait partie de ces mythes qu’ils démontent dans leur ouvrage et ils rappellent au contraire que “le fait de rendre interactifs des contenus n’est pas en soi suffisant” et que ‘l’interactivité est utile lorsque le scénario pédagogique implique la nécessité de produire des hypothèses ou de faire des inférences”.

 

2.1 Un exemple : le parcours “Parlons poésie”

 

Pour se faire une idée de cette structure scénarisée, on peut se reporter au plan du deuxième palier du parcours intitulé “Parlons Poésie” dont sont extraites les activités reproduites ci-dessous .

 

2.1.1 Plan du module “Comprendre le poème”

BRNE Parcours Poesie 

2.1.2 Ce que ces activités mettent en évidence  :

 

l’acquisition du métalangage

 

BRNE Parcours Poesie 2

 

l’étayage lexical et culturel au service de la compréhension littérale du poème

BRNE Parcours Poesie 3

 

BRNE Parcours Poesie 4

 

BRNE Parcours Poesie 5

 

BRNE Parcours Poesie 6  

les révisions syntaxiques et morphologiques destinées à améliorer les productions écrites et orales

BRNE Parcours Poesie 7 

 

 BRNE Parcours Poesie 8

 

Les pistes méthodologiques rédigées dans une langue accessible

BRNE Parcours Poesie 9 


3. D'un dispositif de compensation à destination d’élèves à besoin éducatifs particuliers à une utilisation collective.

 

Ces propositions feront peut-être écho à une réflexion que de nombreux enseignants formulent. Finalement les difficultés que les élèves allophones rencontrent ne sont-elles pas  partagées par des élèves francophones  parfois éloignés des exigences du français de scolarisation ?

Aussi, la BRNE peut constituer un support de différenciation et d‘entraînement spécifique pour ces élèves mais offre des ressources exploitables par un enseignant de lettres de classe ordinaire.

3.1 En classe et à distance

Une séance consacrée à la découverte d’un  poème de Joachim du Bellay, en collège ou en lycée, peut ainsi s’appuyer sur l'explicitation illustrée du vocabulaire proposée par la BRNE, projetée en classe. Ce support visuel favorise l’implication des élèves qui participent volontiers aux exercices dans ce format collectif.

Les ressources linguistiques (pdf de grammaire, exercices de manipulation et de morphologie) invitent par ailleurs à une systématisation de notions de langue qui doivent être étudiées du cycle 3 au lycée.

Les activités peuvent  être envoyées aux élèves, en amont ou à l'issue de la séance,  pour accompagner à distance le travail de la classe. En ce sens, l’expérience que nous a imposée le contexte sanitaire en 2020 a permis d’habituer les élèves et les enseignants à cette modalité hybride de l’apprentissage.

 

3.2 Le suivi des élèves

De plus, l'utilisation de l’autocorrection constitue un levier d’apprentissage pour certains élèves que motive cette forme de rétroaction moins “menaçante” que la note ou le commentaire évaluatif. Si elle n’est pas applicable à tous les types d’exercices, elle incite à un entraînement stimulant et ludique.

Les résultats des élèves sont par ailleurs accessibles et permettent un suivi individualisé (temps d’activité, réussite aux exercices autocorrectifs, consultation des productions écrites et orales).

BRNE Suivi 

3.3 L’enrichissement au service de l’explicitation

 

Quel que soit l’usage retenu, l’enrichissement des supports par les ressources multimédias et l’interactivité favorise l’explicitation des documents proposés. L’étayage apporté par l’enseignant s’appuie en effet sur des outils attractifs qui facilitent l’accès au sens en comblant les “lacunes” (lexicales, culturelles, syntaxiques...) qui ne sont pas non plus réservées aux seuls élèves allophones. La médiatisation des documents mobilise l’attention des élèves, en sollicitant des canaux variés de leur attention et de leur mémoire. La répétition d’une notion au moyen de plusieurs supports (exercices à trous, vidéos, pdf) favorise la compréhension et la mémorisation.

Le schéma  “observation, repérage, manipulation, imitation, production” fournit une structure également pertinente en classe ordinaire, que ce soit en support de cours collectif ou en travail individualisé.

 


 

4. S’inspirer de la “banque” pour concevoir ses modules

 

Si les ressources de la BRNE sont riches et variées, il est cependant parfois difficile pour un enseignant de s’emparer de documents qu’il n'a pas conçus et qui ne correspondent pas nécessairement à ses objectifs.

C’est pourquoi la  plupart des activités sont modifiables (ce qui permet d’ailleurs de corriger quelques erreurs qui ont pu s’y glisser), les ressources (images, dialogues, pdf) sont d’autre part téléchargeables isolément et on peut en sélectionner quelques unes pour créer un module personnalisé.

 

Enfin, et c’est dans cet esprit que les ressources ont été produites, elles constituent avant tout une source d’inspiration. En effet, la plateforme Tactileo sur laquelle elles sont réalisées permet la conception de modules ou de parcours selon les mêmes principes :

 

  • la création et le paramétrage d’exercices variés (textes à trous, remises en ordre, appariements, classements, images ou schémas à légender) ;
  • un guidage très progressif que ne permettent souvent pas les autres exerciseurs. Le format du module ou du parcours correspond en effet à un accompagnement de l’élève. Il passe de la manipulation ludique des mots ou des structures  susceptibles de faire obstacle à sa compréhension, ou d’un métalangage qu’il s’entraîne à utiliser,  à une production personnelle, nourrie des éléments précédents ;
  • la réunion de supports variés : vidéos, images interactives, fichiers sonores, textes… pour favoriser l’engagement de l’élève et étayer sa compréhension.

4.1 Quelques exemples d’utilisation en cours de français

4.1.1 Une préparation de dictée
  • révisions et entraînement (morphologies verbales, classes grammaticales…) (pdf ressource, exercices d’entraînement)
  • acquisition du sens et de l’orthographe de mots nouveaux (imagiers, appariements, QCM)
  • manipulation de structures syntaxiques
  • accès au sens ou à la représentation d’images en lien avec les enjeux du texte qui sera dicté (illustrations, tableaux, contextualisation)

BRNE Dictee BRNE Dolmen 

4.1.2 Une étude de texte
  • Contextualisation : biographie de l’auteur, ancrage historique…
  • Mobilisation des champs lexicaux présents dans le passage soumis à l’étude
  • Vérification de la compréhension (vrai / faux ; regroupements)
  • Etayage et explicitation du sens (textes à trous, remise en ordre de paragraphes)
  • Révision du métalangage (figures de style, versification)
  • Enrichissement par des documents vidéos ou audios favorisant l’engagement des élèves
  • Révisions morpho-syntaxiques

 

Voici par exemple le sommaire d’un module consacré à l’étude d’un extrait du Quai de Ouistreham (F. Aubenas)  proposé en classe de quatrième. Certaines activités (visionnage de la vidéo, QCM, pdf sur le subjonctif et entraînements de conjugaison) ont été réalisées à distance, tandis que le grain “expansion du nom” a été exploité en classe, permettant l’explicitation de la notion après la consultation du taux d’échec important des élèves sur une série d’exercices.

BRNE Sommaire Quai de Ouistreham 


5. Où trouver les ressources de la BRNE ?

 

La BRNE est  hébergée par les ENT de nos établissements. Elle est gratuite et accessible à tous les enseignants qui peuvent  consulter les ressources, les modifier et en créer de nouvelles.

L’administrateur de l’ENT doit l’installer sur le “médiacentre” (GAR) et l’attribuer aux enseignants et aux élèves pour la rendre accessible. Pour le partage d’exercices, il est alors possible soit de les attribuer aux groupes d’apprenants également inscrits sur le mediacentre, soit de générer une “session” partagée avec un lien ou un QR code. L’option de partage par lien me paraît plus simple et évite aux élèves une connexion à un espace supplémentaire.


6. Comment apprendre à utiliser la BRNE et à concevoir ses modules sur Tactileo ?

 

Comme  toute ressource numérique, la prise en main de la BRNE et de la plateforme de conception Tactileo suppose un temps de familiarisation. Il existe des tutoriels sous format texte ou vidéo, et il est également possible de participer aux ateliers GIPTIC proposés par les enseignants de lettres et de FLS

Vous pouvez aussi consulter le site pédagogique du CASNAV ou en encore le m@gistère “enseigner avec le numérique aux élèves allophones”.

Vous pouvez aussi consulter la captation d’une présentation qui a été faite de la BRNE dans le cadre des RUN (Rendez-vous des usages du numérique, proposés par la DANE de Paris), le 30 avril 2020.

https://magistere.education.fr/ac-paris/mod/via/view.php?id=185718

Si vous avez des questions, n’hésitez pas à contacter le coordonnateur du GIPTIC FLS Julien Fumey (julien.fumey@ac-paris.fr) ou à m’écrire (gaelle-andree.morois@ac-paris.fr).

 


7. En conclusion

 

La BRNE “Equipe réussite” peut offrir une palette d’activités pertinentes et assez faciles à utiliser et à créer. Ces dernières évitent, par une scénarisation efficace, l’écueil du tâtonnement ludique auquel se livrent parfois les élèves tentés de “jouer” et peuvent d’autre part ramener les élèves vers l’écrit ou l’oral, soit dans une utilisation purement informatique soit dans un travail hybride qui favorise le passage du clavier au stylo et de l’enregistreur micro à la prise de parole. On voit donc qu'au-delà de l’inclusion des élèves allophones, elle ouvre d’infinies possibilités pédagogiques !

 

8. Notes

[1] La scolarité des élèves allophones est réglementée par la Circulaire n° 2012-141 du 2-10-2012

[2]J-P Cuq (Dir) Dictionnaire de didactique du français langue seconde,  CLE International (2003) L’article consacré au français langue seconde montre d’ailleurs l’hétérogénéité de cette expression, en indiquant la variété des situations correspondant à cette appellation. (“français appris aux populations rurales du XIX° siècle, des pays colonisés, apprenants nouvellement arrivés dans un pays majoritairement francophones, élèves bilingues”-...I

[3] Michèle Verdelhan- Bourgade, Le français de scolarisation, pour une didactique réaliste, PUF, 2002

[4] Cadre européen commun de référence pour les langues du conseil de l’Europe (2002, actualisé en 2020). L’approche actionnelle s’appuie sur un apprentissage motivé par la réalisation d’une tâche.Dans le cas du FLS, la tâche correspond à une activité scolaire (rédaction d’un commentaire, participation à une séance de cours…)

[5] Franck Amadieu et André Tricot, Apprendre avec le numérique, Mythes et réalités, Retz (réédition 2020)