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Curiosité/ressources du mois de mars 2022 : l'alimentation des Homininés fossiles

Dents Australopithèque Ungar Les traces d'usure, les particules emprisonnées dans le tartre ainsi que les peintures rupestres peuvent être exploitées pour déterminer des régimes alimentaires. Pour celles de populations Australopithèques, seules les traces d'usure, parmi ces trois indices, sont exploitables : les particules emprisonnées dans le tartre, trop anciennes, sont dégradées et aucun d'entre eux ne peignaient des peintures sur les murs des grottes. D'autres indices sont toutefois exploités : les paléoenvironnements des gisements fossilifères sont déterminés grâces aux pollens, aux fossiles non humains et des marqueurs sédimentaires ; les proportions de divers isotopes fournissent des informations sur la part d'aliments d'origine animale ou végétale.

Le crâne, les mâchoires, la forme des dents

La forme des mâchoires et l'insertion des muscles masticateurs sur le crâne d'un animal fournissent des indications sur les aliments pouvant être consommés, mastiqués. Ainsi, des dents massives, en forme de meule, permettent à l'individu de massivement consommer de l'herbe et des graines, alors que des dents pointues, permettant aux animaux de couper ou déchirer la viande, indiquent plutôt un régime alimentatire carnivore et qu'une denture comprenant des molaires et prémolaires plus petites avec des canines et des incisives marquées plaident plutôt pour un régime de type omnivore.

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Cela étant, la massivité des molaires et des prémolaires de Paranthropus boisei a longtemps laissé à penser qu'ils avaient une alimentation à base de plantes coriaces…. Pas tant ! Si les caractéristiques craniodentaires de Paranthropus boisei indiquent qu'ils auraient été capables de générer de grandes forces sur de petits objets ou de de traiter de grandes quantités d'aliments durs et fibreux, d'autres indices suggèrent qu'ils étaient végétariens et qu'ils consommaient des aliments plutôt tendres et peu abrasifs (Ungar et al., 2008).

La morphologie adaptative donne des indices importants sur ce qu'un animal est (ou était) capable de manger, mais pas sur ce que l'animal a effectivement mangé à un moment de sa vie.

L'usure des dents

L'usure dentaire est la perte cumulative d'émail et de dentine au niveau des surfaces de mastication (surfaces occlusives, phénomène d'attrition) et de celles situées entre les dents adjacentes (surfaces interproximales). Intimement liées au comportement masticatoire, l'usure des dent fournit ainsi une preuve directe du comportement masticatoire, ainsi que des informations sur les aliments consommés, voire leur préparation culinaire.

À l'échelle macroscopique
L'usure de la surface masticatoire

L'usure excessive des dents est une indication du type de régime alimentaire consommé. Ainsi, l'attrition a provoqué, chez les chasseurs-cueilleurs comme chez les premiers agriculteurs, une usure rapide et prononcée des dents. En effet, chez ces derniers, des particules fines étaient fréquemment générées accidentellement lorsque le grain était broyé avec des outils en pierre et le sable transporté par le vent aurait été un contaminant majeur dans les processus de préparation des aliments . Au delà du degré absolu d'usure, on distingue ces deux cas par l'angle d'usure de la couronne : les chasseurs-cueilleurs ont développé une usure molaire assez plate liée la mastication d'aliments fibreux durs ; les agriculteurs ont développé une usure des molaires obliques due à une alimentation à base de céréales moulues et d'aliments cuits à l'eau qui a entraîné une diminution du rôle des dents dans la décomposition des aliments (Forshaw, 2014).

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L'usure des surfaces interproximales

Il s'agit d'une autre forme d’abrasion, fréquemment retrouvée chez les Néandertaliens et indépendante de la mastication. Elle prend l’aspect d’une gouttière plus ou moins régulière, généralement localisée au niveau ou à proximité du collet des dents postérieures mais certaines ont été trouvées au niveau de dents antérieures. Son origine est le plus souvent attribuée au passage fréquent d’un corps solide de type cure-dents entre les dents, en os ou en bois (cf. photo ci-dessous extraite d'un article de D'Incau, Couture, Beauval, Maureille, 2014).

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À l'échelle microscopique

Lors de la mastication, des micro-usures dentaires se forment à la surface de l'émail :
- des piqûres qui sont causées par des éléments abrasifs durs, comme les fragments d’os, les grains de sable ou les phytolithes, comprimés au niveau de la surface de mastication,
- des rayures qui sont produites par le déplacement relatif des dents supérieures et inférieures lors de la mastication.
Les surfaces occlusales présentent généralement à la fois des piqûres et des rayures mais leurs tailles, leurs morphologies, leurs fréquences et leurs orientations, du moins dominantes, sont fonction des régimes alimentaires :
- les individus qui mangent des aliments durs nécessitant des forces de mastication plus importantes ont tendance à avoir des fosses plus grandes et plus nombreuses que les individus qui mangent des aliments plutôt mous.

Les photographies ci-dessous montrent des microphotographies de la surface occlusive (150 x 120 µm), en A, d’une molaire d’H. habilis, dont les nombreuses rayures associées à des piqûres plaident pour régime omnivore et, en B, celle d’une molaire d’H. erectus qui, pour les mêmes raison, a dû aussi être omnivore mais dont les piqûres plus marquées soulignent une consommation d’aliments bien plus durs, plus de fragments d’os ? de noix ?

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Photos : Ungar, 2004

Les traces d'usures reflètent ce qu'un animal a effectivement mangé à un moment de sa vie. Leur interprétation est basée sur les types de traces d'usure et leur orientation.

Les caries

Bien que l'étiologie des caries dépende de plusieurs variables en interaction, telles que les bactéries buccales, les aliments, la structure dentaire et la salive, l'étude des populations antérieures indique que l'alimentation et plus particulièment les glucides raffinés ont joué un rôle clé dans la formation des lésions carieuses. Ainsi, les chasseurs-cueilleurs connaissaient généralement une faible incidence de caries car ils consommaient peu de glucides simples (Forshaw, 2014). Une population de chasseurs-cueilleurs pléistocènes d'Afrique du Nord (Grotte des Pigeons proche de Taforat) présente toutefois une prévalence élevée de caries (51,2 % des dents chez les adultes, ce qui est comparable à celle des populations industrialisées modernes). Des restes macrobotaniques qui leurs sont contemporains prouvant des récoltes et transformations systématiques de plantes sauvages comestibles (glands comme ci-dessous), on suppose que la formation desdites caries serait liée à ces plantes sauvages riches en hydrates de carbone fermentescibles et à des changements dans la transformation des aliments, même avant l’apparition de l’agriculture (Louise T. Humphrey, 2014).

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La sédentarisation (et non seulement l'agriculture) a entraîné une plus grande dépendance aux aliments végétaux et aux techniques de préparation des aliments. Ces dernières décomposant les glucides complexes en sucres simples, les taux de caries ont augmenté. L'abondance des caries est aussi dépendante de l'hygiène dentaire.

Le tartre

La formation de tartre emprisonne les particules alimentaires dans la matrice principalement constituée de phosphate de calcium. Fortement minéralisés, le tartre est relativement bien conservé et les microfossiles végétaux comme les phytolithes, voire les protéines, protégés dans cette matrice, peuvent fournir des preuves directes des éléments du régime alimentaire.
Une étude des dents d'un site archéologique de l'Holocène moyen (vers 5500-4500 av. J.-C.) en Syrie a permis de déterminer que les individus consommaient une variété d'aliments végétaux. Les céréales domestiquées telles que le blé et l'orge, que les archives archéologiques avaient précédemment supposées comme fournissant les principales sources d'amidon, se sont avérées constituer une part étonnamment faible du régime alimentaire (cité par Forshaw, 2014).

Les éléments emprisonnés dans le tartre, lorsqu'ils sont préservés, constituent une preuve directe des aliments consommés.

Les isotopes

La composition des dents (et des os) peut également donner des indications sur le type dominant d'aliments ingérés :
- rapport Sr/Ca
Un rapport Sr/Ca élevé indique une herbivorie alors qu'un rapport  Sr/Ca faible indique une carnivorie (il est élevé chez les plantes) ;


- rapport 15N/14N
Le rapport 15N/14N augmente de 4 % en moyenne d'un niveau trophique au suivant. Un rapport élevé indique donc une alimentation plutôt basée sur des organismes situés en fin de chaîne alimentaire (il est de l'ordre de 2 à 7 ‰ chez les herbivores terrestres, de 7 à 12 ‰ chez les carnivores terrestres et de 12 à 20 ‰ chez les vertébrés marins, les chaînes étant plus longues). Il peut aussi révèler une consommation d'aliments lactés.


- rapport 13C/12C
Les rapports 13C/12C varient selon la fraction biochimique étudiée (glucides, lipides, protides). Leur étude est complexe mais les relations entre le rapport 13C/12C des tissus fossilisables et ceux de la nourriture commencent à être relativement bien connues grâce à des expériences de laboratoire (Ambrose et Norr, 1993 ; Tieszen et Fagre, 1993). Elles ont permis de repérer les rares humains se nourrissant presque exclusivement de viandes (Néanderthaliens de Sclayn en Belgique et de Marillac en Charentes - Bocherens, 1999).

L'exploitation des rapports isotopiques, parfois compliquée, fournit des éléments complémentaires.

La faune et la flore de l'environnement de l'époque

La connaissance des Homininés, de leurs savoir-faire (armes de chasse, outils) et de l'environnement, contribuent à la détermination des ressources disponibles :
- soit au sens géographique, comme la rareté de la végétation dans les régions nordiques (mais même les Inuits ont toujours eu une ration végétale d'environ 20 % de leur ration énergétique quotidienne)
- soit au sens des possibilités, comme la chasse des grands animaux rendue uniquement possible par l'utilisation d'armes.

L'environnement et la culture des Homininés fournissent des indications sur ses possibilités d'action.

Ressources scientifiques et pédagogiques

Activité 1 :

Cycle 4 « L'alimentation des Humains préhistoriques. »

La séquence ci-dessous propose de travailler avec les élèves les méthodes utilisées pour reconstituer l’histoire de la vie : la recherche d’indices des temps passés, leur interprétation grâce à l’actualisme.
Elle peut être exploitée comme une remobilisation de connaissances dans le domaine de l’alimentation qui introduit des ressources sur l’histoire de vie, l’histoire de l’hominisation, la diversité des Homininés. Par la suite, les espèces abordées pourront être remobilisées pour traiter de grands groupes d’êtres vivants, d’Homininés et de placer H. sapiens dans ce buisson.

  • Compétences travaillées : "Mener une démarche scientifique, résoudre un problème", "Appréhender différentes échelles de temps géologique et biologique"
  • La séquence propose :
    • dans un premier temps, de  rechercher des indices exploitables à partir de crânes et/ou dents actuels.
      Capacités :  "Modéliser et représenter des phénomènes et des objets"
    • dans un second temps, d'exploiter les indices identifiés pour définir le régime alimentaire d’Homininés fossiles de différentes époques.
      Capacités : "Extraire, organiser les informations utiles et les transcrire dans un langage adapté", "Mettre en oeuvre un raisonnement logique simple", "Communiquer sur ses démarches, ses résultats et ses choix, en argumentant"

 

Accéder à l'article présenant la séquence 

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