La Philharmonie de Paris

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Alors que Jean Nouvel, l’architecte concepteur de ce dernier grand édifice, étant mécontent de l’inauguration trop hâtive de ce bâtiment, l’a boudée, et demande –sans doute a-t-il d’excellentes raisons – que l’on prenne en considération les modifications conformes à son plan initial : des décisions techniques ont été prises sans son aval , comme si la Philharmonie avait décidé de voler de ses propres ailes …, le public a admiré l’ampleur de la salle, la vue sur Paris et la banlieue de la terrasse du 3ème niveau …

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Enchantée par les portes ouvertes de cet édifice les 17& 18 janvier 2015, lors desquelles je pus assister à une leçon de piano donnée par un virtuose chinois, LANG LANG, à 101 jeunes pianistes (l’un d’entre eux, français, s’évertua à lui poser une question en chinois, qu’il dut traduire en Anglais car sa prononciation était peu claire pour Lang Lang ), je décidais le 19 janvier de réserver des places pour les collègues du lycée Jules Siegfried, la sortie fin 2014, à l’Opéra Bastille pour voir la Bohème de Puccini mise en scène par Jonathan Miller sous la baguette de Sir Mark Elder, ayant fait 14 heureux .

 

Le premier concert demandé fut La nuit du raga, concert indien avec des instruments  aussi différents que la flute, le violon & la sitar . Ce concert était déjà complet . Il eut lieu le 31 janvier .


Le second concert était La flûte à chanter, opéra participatif présentant sous une forme réduite, en Français, la flute enchantée de Mozart, sous la direction de DéboraWaldman avec l’orchestre de chambre de Paris .Ce concert eut lieu le dimanche 8 février à 16H30 .

Une collègue prit 2 places (j’en avais réservé 10, j’ai donc proposé les autres places à des amis, plusieurs étant curieux de voir la nouvelle salle, la Philharmonie1 ) . L’opéra participatif est préparé par des séances de répétition avec une partie des auditeurs qui chantent ou jouent pendant le spectacle . Ce fut un pur bonheur de voir Papageno retrouver sa Papagena, Tamino sa Pamina et d’écouter la très belle voix de la Reine de la nuit , interprétée par MayukoYasuda . A la fin du spectacle, la chef d’orchestre DéboraWaldman a demandé à tous les spectateurs de chanter :

« ça sonne si chouette, ça sonne si bien,

Lalala, lalala, lalalala, lalala

Jamais on a entendu un son si charmant,

Lalala, lalala, lalalala, lalala … »

Nous nous sommes donc improvisés chanteurs d’opéra, ce qui réjouit le cœur, l’esprit (sinon l’ouïe !) .

Le deuxième concert réservé fut le Festival Jérusalem1 à la Philharmonie 2 , c’est à dire la salle anciennement appelée « cité de la musique » construite par l’architecte Christian de Portzamparc .

Signe des temps présents ? Aucun collègue ne s’est inscrit à ce concert qui eut lieu le mardi 10 février à 20H30 . (J’ai donc mobilisé voisins& amis parmi lesquels plusieurs se sont désistés car ce n’était pas la Philharmonie 1 … D’aucuns iraient au concert , non pour écouter de la musique, apprécier une interprétation novatrice mais pour voir une nouvelle salle . Il me semble opportun de rappeler que Christian de Portzamparc est le premier architecte français à qui a été décerné , en 1994, le PritzkerPrize, la plus haute distinction en architecture, équivalente au Prix Nobel . En 2006, le Collège de France a créé une chaire dédiée à la création artistique dont Christian de Portzamparc fut le premier titulaire . Christian de Portzamparc est en outre célèbre pour la conception de ses tours, notamment LVMH (Louis Vuitton Moët Hennessy ) sur la 57è rue de New York (terminée en 1999) .

Ce concert du 1O février nous permit d’apprécier la pianiste fondatrice de ce festival, Elena Bashkirova, son fils violoniste, Mikael Barenboim, une autre violoniste, KathrinRabus, une altiste, Madeleine Carruzzo, un jeune et talentueux violoncelliste, Andreas Brantelid, le flutiste Guy Eshed, et le clarinettiste Pascal Moraguès .

Pendant le concert – nous étions au 4è rang de l’orchestre – je captais le regard exigeant et en même temps dépendant d’Elena Bashkirova envers le premier violon, son fils ; il n’est pas aisé de naître dans une famille de musiciens : Elena Bashkirova, fille d’un éminent professeur de piano, épouse du pianiste et chef d’orchestre Daniel Barenboim, a du initier son fils au piano . Mikael Barenboim  en choisissant le violon s’émancipait de l’exigence d’excellence paternelle et maternelle pour le piano tout en restant dans la musique . Ce concert, où il passe comme un fluide entre le pianiste, les violonistes et aussi le flutiste, le violoncelliste, le clarinettiste et l’altiste me rappela un concert où j’avais vu jouer MstislavRostropovitch, Galina Vishneskaya, son épouse et leurs enfants . Une même harmonie interne émane de l’ensemble créé par une famille jouant de la musique .

Le programme du 10 février était impressionnant : en 1ère partie, nous avons découvert une œuvre de GideonKlein, le Trio pour violon, alto et violoncelle : ce Trio fut composé au camp de concentration de Terezin , situé près de Prague, dans lequel les nazis internèrent 140000 Juifs (un dixième a survécu) . GideonKlein termina ce Trio avant d’être déporté à Auschwitz avec plusieurs autres compositeurs : Viktor Ullmann, Hans Krasa, Pavel Haas, Karel Ancerl... Gideon Klein mourut à l’âge de 25 ans en 1945, juste avant la libération du camp par l’armée russe.

Ce trio est composé en 3 mouvements : un Allegro plein d’élan, Lento : une variation sur un chant hébraïque morave très émouvante, le finaleMolto vivace .Ce trio exprime l’influence de la seconde école de Vienne (Schönberg) alliée à un ton tchèque .

 

Ensuite, nous avons écouté une œuvre composée un siècle avant, en 1845, de Robert Schumann :Six études en forme de canon pour piano, opus 56,

Transcription pour violon, alto et piano de TheodorKirchner .

« N’ayez pas peur des mots : théorie, harmonie, contrepoint … Vous souriront si vous leur en faites autant », ce conseil donné aux jeunes musiciens par Schumann est mis en pratique par ce compositeur dans ces Etudes .

 

La musique du 20è siècle, avec La Symphonie de chambre d’Arnold Schönberg– Version pour quintette à cordes d’Anton Webern – nous permit d’apprécier l’aboutissement des recherches formelles et tonales de Schönberg .

Dans l’article de 1937 « Comment on devient un homme seul » Schönberg mentionne la conviction qu’il a trouvé son propre style de compositeur . « Désormais se trouvaient résolus tous les problèmes qui m’avaient tourmenté … S’ouvrait une voie qui nous permettrait, à nous jeunes compositeurs, de nous libérer des angoisses où nous avaient plongé les découvertes harmoniques, formelles et affectives de Wagner » .

Le public viennois eut du mal avec cette œuvre novatrice dont la création déclencha en 1907 un scandale . Mais les élèves et les mélomanes avertis – Berg fit une analyse de cette organisation formelle en 1918 et une transcription pour piano à 4 mains … - en avaient compris toute la profondeur .


La seconde partie du concert nous charma avec Anthème 1, pour violon de Pierre Boulez .Nous avons été sensibles à la virtuosité de Mikael Barenboim . Cette composition de 1991 dédiée à Alfred Schlee, directeur de Universal Edition, est l’extension d’une partie de violon conçu  par Boulez en 1972 en hommage à Stravinski .
Le quintette avec piano en mi bémol majeur opus 44 de Robert Schumannclôtura cette très belle soirée . Cette œuvre en 4 mouvements fut créée en 1842 avec Félix Mendelssohn au piano . Cette musique de chambre « musique encore plus musique » dédiée à Clara Schumann qui en sera une interprète infatigable fut remarquablement présentée par Elena Bashkirova, Mikael Barenboim, KathrinRabus, Madeleine Caruzzo, Andreas Brantelid, Guy Eshed et Pascal Moraguès .

Le scherzo – 3è mouvement « molto vivace » - mène à un finale qui se joue des formes traditionnelles et qui culmine sur une double fugue combinant le thème du 1er mouvement et celui du dernier allegro .

La musique nous procure une superbe énergie et aussi un sens esthétique de la vie à nul autre pareil .

 

 Nadine Sandler