Qui est Boris Vian?

 

Boris Vian (1920-1959)

mceclip0 - 2023-04-06 11h37m02s 

 

Un adolescent brillant

Boris Vian est né le 10 mars1920 à Ville-d’Avray, une petite commune d’Île-de-France, à l’ouest de Paris. C’est sa mère qui a choisi son prénom : passionnée d’opéra, elle a appelé son fils Boris en l’honneur de Boris Godounov, une oeuvre célèbre du compositeur russe Moussorgsky.

Boris mène une enfance heureuse dans la propriété familiale, située au bord des étangs de Ville d’Avray, avec ses parents, ses deux frères Lélio et Alain et sa petite soeur Ninon.

Il sait lire et écrire à cinq ans, et il lit même beaucoup : à huit ans , dit-il, il connaissait déjà un certain nombre d’oeuvres de la littérature française...

Après avoir fait ses études au Lycée Hoche à Versailles, où il se montre un élève brillantet curieux, il passe à quinze ans la première partie de son baccalauréat, option allemand, latin, grec (à cette époque, les épreuves du baccalauréat étaient réparties sur deux années). Mais sa santé est fragile : à seize ans, il est atteint d’un accès de fièvre typhoïde et souffre de malaises cardiaques, si bien qu’il est contraint de se réinscrire en classe de Terminale. Ce qu’il fait, au Lycée Condorcet à Paris, où il obtient à dix-sept ans, son titre de bachelier section littéraire et scientifique (ce qui correspondrait aujourd’hui à un double bac, S et L) avec les options latin et grec .

 

Les études et la passion du jazz

Boris a découvert le jazz très tôt : il a acheté sa première trompette à l’âge de quatorze ans et s’inscrit au fameux club de jazz le Hot Club de France. Fasciné par Duke Ellington, le célèbre jazzman américain venu donner un concert à Paris, il crée avec ses frères et quelques amis son premier orchestre de jazz. Il donne des « surprises-parties » (nom que les jeunes donnaientà leurs soirées dansantes) dans la villa de Ville-d’Avray, sort beaucoup, tout en poursuivant de brillantes études : admis en classe préparatoire aux grandes écoles scientifiques, il est reçu au concours d'entrée de la prestigieuse École centrale.

Boris a vingt ans. À Cap-Breton, en vacances dans le pays basque, il fait deux rencontres décisives : celle de Michelle Léglise, qu’il épousera l’année suivante, et celle de Jacques Loustalot, surnommé « Le Major », qui sera son ami inséparable. Beau, riche, oisif et farfelu, généreux et dépensier, excellent danseur, le Major est le roi du canular et prend la vie comme un jeu. À ses côtés, Boris entre dans le royaume de l’insolite, il n’en sortira plus. Mais un jour, une dernière plaisanterie coûte la vie au « Major » : il se tue en s’amusant à enjamber un balcon, Pour Boris, ce sera un choc effroyable.

Le musicien

Boris Vian travaille, comme ingénieur à l'AFNOR, Association française de normalisation, mais il n’a nullement l’intention de se laisser « normaliser » ! Il profite de ses instants de liberté pour écrire et jouer de la musique de jazz tout en fréquentant les cafés de Saint-Germain-des-Prés : café de Flore ou des Deux Magots, à l’époque lieu de rendez-vous des intellectuels et artistes de la rive gauche : Jean-Paul Sartre (le Jean- Sol Partre de L'Écume des jours), Raymond Queneau, Simone de Beauvoir, Juliette Gréco, Marcel Mouloudji , et les grands musiciens noirs de passage à Paris : Duke Ellington, Charlie Parker, Miles Davis

Avec son frère Alain et son ami clarinettiste Claude Abadie, il monte un orchestre qui adopte le style New Orleans. Bientôt Claude Luter, lui aussi clarinettiste, se joint à eux.

Boris souffle des nuits entières dans sa fameuse « trompinette », une petite trompette, qui ressemble à un cornet à piston et lui permet d’économiser son souffle. Il se produit au Tabou, club célèbre de Saint Germain des Prés, puis au au Club Saint Germain .« Il était amoureux du jazz, ne vivait que par le jazz, il entendait jazz, s’exprimait en jazz » dira plus tard son ami Henri Salvador. Et dans son oeuvre littéraire, le jazz est omniprésent : ses romans, ses poèmes, son théâtre possèdent la vertu fondamentale du jazz, cette alternance sans fin de tension et de détente, de violence et de douceur.

Mais le coeur de Boris est déjà très fatigué, ses médecins lui recommandent de cesser de jouer : c’est la trompette ou la mort ; Boris choisit la trompette et la mort... « Chaque souffle dans ma trompette abrège mes jours » écrit-il.

 

 

L’écrivain

Vian a abandonné son métier d’ingénieur pour écrire de manière assidue  : des poèmes, sous les pseudonymesde Bison ravi ou Brisavion(anagrammes de Boris Vian), des romans dans lesquelsil manie la provocation etl’insolite, des Chroniques de jazz dans la revue Jazz-Hot,des traductions d’ouvrages de science-fictionaméricains ou de la Série noire (Raymond Chandler, Dorothy Baker, Peter Cheney)..

En 1947 paraît l’Écume des jours « le plus poignant des romans d’amour contemporains » comme dira Raymond Queneau ;un roman de l’impossible bonheur où se mêlentréel et merveilleux, farfeluet gravité. «  L’histoire est entièrement vraie puisque je l’ai inventée d’un bout à l’autre » écrit Boris Vian dans l’Avant-Propos du roman. Colin, jeune et beau, rencontre Chloédans une surprise-partie... Un petit nuage rose qui sent le sucre à la cannelle enveloppe les jeunes gens.Colin aimeChloé à la folie et l’épouse. Il est gai et léger comme un pinson, mais durant levoyage de noces, Chloé se met à tousser...Elle a contracté unétrange et douloureux virus : un nénuphar s’est logé dans son poumon et l’étouffe en poussant. Pour la guérir il faut lui faire respirer des brassées de fleurs qui se fanent aussitôt. Pour Colin, le monde devient absurde ; son appartement s’assombrit et rétrécitchaque jour, le soleil n’entre plus à travers les vitres.Une petite souris grise à moustaches noires qui a élu domicile chez lui, partage ses joies et sa peine...

La poésie du roman tient en grande partie à la richesse de la création verbale et des jeux de mots (pourboirequi sert à manger, aiguiser une pointe d’ail, un serpent teint, un porte-cuir en feuilles de Russie pour  un portefeuille en cuir de Russie, des petits fours servis sur un plateau hercynien ...) ainsi qu’à l’originalité des images : Chloé tousse comme une étoffe de soie qui se déchire...

 

 

Le pataphysicien,  le chanteur

 

1951-1952 sont des années sombres : Boris Vian, se sépare de son épouse Michelle Léglise, qui est aussi la mère de ses deux enfants, Patrick et Carole. Il a rencontré Ursula Kubler1 danseuse dans les ballets de Maurice Béjart et de Roland Petit dont il tombe follement amoureux et qui sera sa compagne jusqu’à la fin de sa vie.

En même temps, Boris Vian est admis au collège de Pataphysique, un collège de fantaisie réunissant des artistes et écrivains (Raymond Queneau, Jacques Prévert, Georges Brassens, Henri Salvador...) animés par le goût du jeu et du canular :le collège de pataphysique traite de « problèmes et solutions imaginaires ».... Durant sept années, Boris Vian, avec son sens de l’absurde et son inventivité débridée,participe à la vie du collège : il propose par exemple un brevet d’invention de la roue élastique, il fait les plans d’une machineécrire, non pas les lettres mais ... la musique....

En 1954, six mois avant le début de la guerred’Algérie, il écrit la chanson du « Déserteur ». Le texte se présente sous la forme d’une lettre adressée au président de la Républiquedans laquelle le poète crie son refus de partir à la guerre ; ilappelle la population à faire de même.Boris Vian est accusé de favoriser l’insoumission. La chanson sera longtemps interdite sur les ondes nationales.

 

En 1955 Boris Vian devient directeur artistique chez Philips puis chez Barclay en 1959. Il écrit environ cinq cents chansons teintées d’ironie et de provocation dont «  J’suis snob », « La Complainte du progrès », « On n’est pas là pour se faire engueuler’ ,  il invente le mot  « tube » pour « succès ».

Mais Boris est de plus en plus fatigué.  Suite à ses problèmes cardiaques, il aurait dû mener une vie calme, ce qu’il n’a jamais fait. Durant toute sa vie, ils’est surmené, multipliant les activités : ingénieur, musicien de jazz, traducteur, critique musical, compositeur, acteur-poète, romancier, auteur dramatique ! Le 23 juin 1959, victime d’une crise cardiaque, il s’écroule quelques minutes après le début de la projection privée d’un de ses romans adaptés, malgré lui, au grand écran. Il a trente-neuf ans.  « J’ai encore des choses à faire », disait-il....

Boris Vian ne connut pas de son vivant la notoriété qui est la sienne aujourd’hui. Il reste dans les coeurs et les esprits unartiste de génie aux multiples facettes à la fois provocateur et tendre incarnant la liberté et l’éternelle jeunesse. Il serait heureuxdisait-il lorsque l’on pourrait dire « V… comme Vian ». Plusieurs collèges, dont le nôtre, portent son nom, nous sommes fiers de lui rendre hommage.

 

 

1. Ursula Vian-Kübler est décédée à l'âge de 81 ans, dans la nuit du dimanche 17 au lundi 18 janvier 2010 au village d'Eus, en pays catalan, où elle s'était retirée instituant la  « Fond’action Boris Vian » qui perpétue l'oeuvre de son maridisparu. Voir site www.borisvian.org