Aller au cinéma : activités pour aborder le cinéma en classe et éduquer le regard

Couverture Cahiers Pédagogiques Cinéma

Dans son article intitulé « Éduquer le regard », paru dans Les Cahiers pédagogiques (n° 512, mars-avril 2014), Isabelle Crenn, conseillère pédagogique en arts visuels, animatrice pédagogique nationale à l’OCCE, présente un florilège d’activités pour aborder le cinéma en classe.

Comment apprendre aux élèves à devenir spectateur et intégrer le cinéma aux apprentissages, sans que ce dernier ne soit qu’une sortie récréative, même s’il est essentiel d’y trouver du plaisir ? Comment développer des compétences de lecteurs d’images, sachant que l’image, comme l’écrit, est une représentation et, partant, objet de lecture et d’apprentissage ? Comment prélever des indices dans l’image en s’appropriant les codes ? Comment transformer les éléments visuels en éléments significatifs et comprendre eue l’image fait sens et que sa composition résulte d’une intention ? Voici quelques propositions pour donner des repères communs, apprendre aux enfants à lire et utiliser différents langages propres aux images.

Travail préparatoire

  • Présenter le dispositif, le projet de classe.
    Y associer les enfants en leur laissant le temps de la réflexion pour envisager le déroulement de ce projet, leur expliquer le lien avec les apprentissages des programmes.
  • Recueillir les représentations de chacun en les listant au tableau ou en demandant à chaque élève de les écrire. « Si je vous dis cinéma, à quoi pensez-vous ? ». On pourra à cette occasion proposer un jeu-cadre coopératif aux enfants (1).
  • Proposer aux plus grands une production écrite à partir de : « Un extraterrestre arrive sur la planète Terre, expliquez-lui ce qu’est le cinéma » ou tout simplement « ce que je sais du cinéma ».
  • Créer « Mon cahier du cinéma » en personnalisant la couverture par composition et collages d’images de cinéma II sera la mémoire du travail fait en classe sur le cinéma et les films vus dans l’année (2).
  • Présenter l’histoire du cinéma : des premiers jeux optiques recréant l’illusion du mouvement, en passant par l’invention de la photographie, au cinéma muet puis parlant. Une sortie à la cinémathèque de Paris permet de découvrir le remarquable musée du Cinéma, qui consacre un grand espace dédié au précinéma et propose de nombreux ateliers pédagogiques.

En amont de la projection

  • Étude de l’affiche du film : description de ce que l’on voit (dénotation), ce que je sais (connotation) et ce que je pense.
  • Travailler à partir du générique de début, si le film s’y prête, pour prélever des indices visuels et sonores et mettre en appétit avant la projection sans dévoiler l’histoire.
  • Imaginer l’histoire du film à partir de la carte remise aux enfants ou à partir des photogrammes du « cahier de notes sur » et écrire un court récit qui se révélera tout autre et qui posera la question du point de vue, du parti pris et du montage.
  • Donner le titre du film et le nom du réalisateur : demander de quoi il va être question, lister les hypothèses au tableau qu’on vérifiera au retour de la projection, ou écrire un synopsis qui sera comparé à la véritable narration.
  • Devenir spectateur : rédiger une charte du petit cinéphile sous forme d’abécédaire par exemple.

Découvrir le film en salle, partager des émotions

  • Pour une première fois : découvrir la salle de cinéma, la cabine de projection, les enceintes, la billetterie, les affiches avec le projectionniste et le responsable de la salle.
  • Avec les petits, prendre le temps de faire le noir dans la salle et d’expliquer.

Après la projection

  • Échanger ses impressions, donner son ressenti en respectant la parole de l’autre et en argumentant, afin de dépasser le stage de « j’ai aimé-je n’ai pas aimé », lors d’un débat coopératif.
  • Vérifier les hypothèses qui avaient été émises avant d’avoir vu le film.

Dans les apprentissages

1. Inscrire le film comme support d’apprentissage dans un projet pluridisciplinaire

Exemples en maîtrise de la langue :

  • bâtir un résumé oral ou écrit
  • inventer une suite au récit
  • imaginer un dialogue autre entre les personnages
  • entrer dans le film (référence à La Rose pourpre du Caire de Woody Allen) et raconter
  • écrire à un professionnel du cinéma.

Exemples en culture humaniste :

  • en histoire-géographie, évoquer le lieu, les paysages filmés, l’époque
  • en arts visuels, réaliser des affiches, des jeux optiques (thaumatrope, folioscope, etc.), des jeux de cadrages, des opérations plastiques sur des images.

2. Travailler une thématique particulière en fonction du film (l’enfance, la séparation, la différence, l’amitié, la peur, la chute).

3. Mettre en réseau avec des œuvres artistiques, en se référant à Jean Cocteau : « Le cinéma, c’est l’écriture moderne dont l’encre est la lumière ». Le Caravage, Georges de La Tour, Rembrand, Soulages pour l’éclairage clair-obscur qu’on retrouve dans Les Contrebandiers de Moonfleet (1955) de Fritz Lang par exemple, mais aussi dans d’autres films comme Barry Lyndon (1975) de Stanley Kubrick, dont on pourra montrer l’extrait célèbre de la scène éclairée aux bougies.

Le film : objet d’étude

  • Définir le genre du film.
  • Repasser une séquence (succession de plans), faire des arrêts sur image pour identifier les valeurs de plans et comprendre l’effet recherché par le réalisateur, les angles de prise de vue, les mouvements de caméra. Pourquoi ces choix ? Question du point de vue.
  • Rechercher les jeux de lumière ; selon les lieux, le temps qu’il fait, etc.
  • Réfléchir sur le choix du noir et blanc (cf. La Nuit du chasseur (1955) de Charles Laughton), ce que cela déclenche sur le plan émotionnel ou l’utilisation de la couleur et du noir et blanc dans un même film (Le Magicien d’Oz (1939) de Victor Fleming).
  • Repérer les personnages, les lieux de l’action, la musique, revenir sur le générique et son importance.
  • Mettre en réseau avec d’autres œuvres cinématographiques, d’autres extraits. Par exemple, à partir du film Les Contrebandiers de Moonfleet, on pourra travailler l’idée de passage, de quête initiatique en comparant avec des extraits des films qui évoquent la même thématique : Le Magicien d’Oz, les films d’Abbas Kiarostami : Le Pain et la Rue (1970), Où est la maison de mon ami ? (1987), Le Voyage de Chihiro (Hayao Miyazaki, 2001) ou les diverses versions d’Alice au pays des merveilles.
  • Garder la trace de tous les films découverts en salle, avec sa classe, dans un cahier du cinéma (personnalisé), mémoire d’un parcours d’éducation artistique et culturelle.

Contexte : l'OCCE fait son cinéma (et sitographie)


Logo OCCEL’Office Central de la Coopération à l’École offre de longue date une place de choix à l’image animée dans ses missions d’accompagnement pédagogique des enseignants et des animateurs pédagogiques de son mouvement coopératif. L’action pédagogique nationale « lire et écrire des images », qui fait la part belle à la créativité des enfants et des adolescents, a pour objet de développer l’éducation du regard pour former l’enfant spectateur. « Apprendre à voir, c’est comprendre que voir est une intentionnalité.
Voir, ce n’est pas recevoir, c’est décider de ce qu’on veut voir, de ce qu’on cherche à voir. » (3)
La découverte active de l’art cinématographique, en suscitant la sensibilité de chacun, en reliant son moi le plus intime à l’universel, éveille les regards des petits et des grands. La fréquentation des œuvres cinématographiques, qui contribue à la connaissance des idées et à la découverte de soi, « développe la conscience que les expériences humaines ont quelque chose d’universel », pour reprendre une formulation des programmes. C’est l’un des objectifs de notre association, rejoignant les enjeux de l’éducation artistique cinématographique. Plus récemment, la convention signée avec l’associationLes enfants de cinéma, qui gère le dispositif national École et cinéma, a permis de développer et d’enrichir les formations ouvertes aux enseignants et d’inscrire cette année au plan fédéral de formation le stage « Classe coopérative École et cinéma : quand l’enfant devient spect’acteur et l’adulte accompagnateur ». Favoriser l’expérience de la rencontre cinématographique est au cœur des préoccupations de nos deux associations. Proposer un regard sur le monde et découvrir l’autre dans sa différence pour se construire par rapport à l’autre, avec l’autre et non contre l’autre, respectant ainsi les valeurs humanistes portées par notre mouvement, participent aussi de l’éducation à la citoyenneté et relèvent de nos priorités.

Isabelle Crenn, Les Cahiers pédagogiques
Dossier « Quel cinéma ! », n° 512, mars-avril 2014

 

Les articles en ligne

On tourne ! Sylvain Loscos
Une porte ouverte sur le monde Patricia Gérot
De tous les côtés de l’écran Catherine Rossignol
La Seconde Guerre mondiale en films Jean-Valéry Martineau
Éteindre les lumières pour éclairer les émotions Mélanie Devalan
Bibliographie (très) succincte