Les élèves illustres

Préambule

mceclip0 - 2019-11-26 11h02m44sSi nous avons pu réaliser le montage audiovisuel dont ces quelques lignes donnent l’idée, c’est parce que le Lycée dispose d’un fonds d’archives exceptionnel : listes de promotions, tableaux d’honneur, palmarès de prix, photos du corps professoral, photos de classe (la plus ancienne datant de 1875), registres d’appréciations (ancêtres de nos bulletins trimestriels), etc. Tout ce matériau, qui mériterait d’être repris, classé et analysé par des historiens-chercheurs, fait étrangement remonter le temps à qui le découvre dans le silence des combles du lycée où il est entreposé.

La tenue vestimentaire des élèves, que montrent les photos, d’une grande uniformité jusque vers les années 1960, signe le passage d’une décennie à l’autre. Pendant à peu près un siècle (1860-1960), la tenue du lycéen demeure celle d’un jeune bourgeois ; ces adolescents nous paraissent aujourd’hui des « petits messieurs », comme le notait Roland Barthes.

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Un mot, à propos des appréciations portées par les professeurs sur leurs élèves : dans l’ensemble plus laconiques et plus sévères que celles d’aujourd’hui, elles sont parfois d’une justesse prémonitoire, s’agissant d’élèves appelés à la célébrité (étonnante appréciation sur l’élève Cocteau).

Des milliers de visages d’élèves, des signatures de professeurs prestigieux (Sartre), un univers lycéen privilégié, codi

fié, préservé (autant dire inimaginable) : nos archives réservent de surprenants moments d’émotion à celui qui les tire de leur sommeil.

 

 

Présentation

mceclip4 - 2019-11-26 11h07m12sEn 1781, l’Ordre des Capucins commande à l’architecte Brongniart la construction d’un convent de style néoclassique, dans un quartier de la capitale qui commence à peine de se lotir.

Sous la Révolution, le monastère devient bien national et fait un temps fonction d’hôpital. Bonaparte, créateur des Lycées, ordonne que le ci-devant monastère des Capucins devienne Lycée de la Chaussée d’Antin.

Brongniart se remet à l’ouvrage, surélève l’édifice et l’orne d’un clocheton, désormais inséparable de la silhouette de notre Lycée.

Avec l’Empire, le lycée devient inévitablement « Impérial ». Dans sa longue histoire, il aura changé 11 fois de nom, reflétant par là les changements de régime ou d’orientation idéologique.

L’établissement ne compte alors guère plus de 150 élèves et 13 professeurs ; la classe de seconde s’appelait « classe de poésie » et la première « classe de rhétorique ». Rêvons un instant sur cette époque, où pour ouvrir une classe, il fallait un effectif minimum de 8 élèves.

Élèves au Lycée à cette époque : Eugène Sue, Sainte Beuve, Victor Schoelcher, Eugène Labiche…

Le Lycée rencontre un grand succès auprès des fils de la bourgeoisie parisienne ; les effectifs s’accroissent et l’établissement doit s’agrandir. Une grande partie de l’ancien verger des Capucins, qui occupait l’actuelle cour du Havre, doit être sacrifiée. Les grilles que nous voyons encore aujourd’hui, dans cette cour, sont les ultimes vestiges de ce décor champêtre.

Élèves au Lycée : Théodore de Banville, Hippolyte Taine, docteur Jean Charcot, Nadar…


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En 1865, le Lycée compte 1200 élèves. Sur la rue du Havre, on édifie un corps de bâtiment pour loger proviseur et économe. Le lycée est alors au cœur d’un quartier brillant, en pleine ascension, à mi-chemin de l’élégante place de la Madeleine et de la toute nouvelle gare Saint-Lazare.

 
 
 
Élèves au Lycée : Jules et Edmond de Goncourt, Jules Vallès

En ce temps-là, les vulgaires punitions s’appelaient « tâches extraordinaires ». On entrevoit, à travers quelques documents, un petit univers barricadé dans l’esprit réglementaire que raille toute l’œuvre de Vallès. C’est le même Vallès qui rappelle le souvenir lugubre que lui ont laissé les pensions, voisines du Lycée, où étaient hébergés, faute d’internat dans nos murs, les élèves provinciaux.

À cette époque au Lycée : Paul Verlaine, 3 futurs présidents de la République : Sadi Carnot, Jean Casimir-Perier et Paul Deschanel…

Les banquets de la Saint Charlemagne réunissaient les élèves primés. En 1868, le Prince Impérial lui-même, qui avait obtenu le premier prix de Latin, honora le banquet de sa présence.

Après la chute du Second Empire, le gouvernement de la Défense Nationale choisit le nom de Condorcet, philosophe des Lumières, athée déclaré, et promoteur de l’instruction publique, pour remplacer celui de Bonaparte.

Au Lycée à cette époque : l’élève Henri de Toulouse Lautrec, Stéphane Mallarmé en tant que professeur d’anglais.

Un service de demi-pension a été crée au lycée, car les élèves viennent désormais d’assez loin. A noter que les demi-pensionnaires
avaient droit, comme à l’école communale, à des goûters variés.

Au Lycée à cette époque : Henri Bergson, Tristan Bernard, les peintres Nabi Paul Sérusier, Edouard Vuillard, Maurice Denis ; les hommes de théâtre Jacques Copeau et André Antoine…

Ci-dessous la plus ancienne photo de nos archives. 48 élèves, dans cette classe de seconde de 1875-76. Toge et toque pour le professeur, M. Courbaud, en cette circonstance solennelle.

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La restitution définitive du nom de Condorcet, à l’initiative de Jules Ferry, coïncide avec l’affermissement du régime Républicain et des lois laïques.

À cette époque, les effectifs dépassent 1500 élèves et il devient nécessaire d’ouvrir pour les petites classes l’annexe de la rue d’Amsterdam plus connue sous le nom de « Petit Condorcet ». S’ouvre alors la grande époque de notre lycée, contemporaine de l’apogée de la République bourgeoise : c’est « Le » lycée de la rive droite, lycée « chic », qui est aussi un foyer intellectuel, et se signale par son libéralisme et son ouverture d’esprit.
Si l’on en croit Robert Dreyfus, condisciple de Marcel Proust, Condorcet en 1880 était une sorte de « cercle » exerçant un attrait « subtil », plutôt qu’un Lycée caserne.

Marcel Proust : élève au Lycée de 1882 à 1889

M. Ducatel fut le professeur de mathématiques de Proust ; photographié ici avec se mceclip7 - 2019-11-26 11h08m54ss élèves, vrais petits messieurs : chapeau melon et canotier, cravates et lavallières. Appréciation sur l’élève Proust, extraite d’un registre de 1888 :

« Travaille autant que sa santé le lui permet ».

Son absentéisme légendaire le vouait donc sans doute déjà à rattraper le temps perdu.

À cette époque, les classes scientifiques connaissent aussi de beaux succès.

 
 
Au lycée : les hommes de sciences André Citroën, Marcel Dassault, Louis Breguet ; les parfumeurs Jean-Paul Guerlain et Yves Lanvin ; les écrivains Roger Martin du Gard et Jules Romains…

Il y avait aussi, à côté des futures gloires, des bulletins moins glorieux.

« Plutôt en décadence », « léger et remuant, non sans intelligence », « très faible et paresseux », « absolument nul et incapable ».

Le professeur de dessin se lamentait

« Tous ces élèves sont très faibles et en général ne veulent rien faire ».

Jean Cocteau fréquenta le Lycée au début du siècle.

M. Roque ne manquait peut-être pas de perspicacité quand il notait sur le bulletin de l’élève Cocteau :

« cherche à éblouir plutôt qu’il ne travaille sérieusement ; la conduite et les dispositions morales laissent à désirer ».

Ci-dessous, une classe à l’époque où Cocteau était élève au Lycée. Difficile d’imaginer ces adolescents si sages dans le rôle des enfants terribles…

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Durant la Grande Guerre, le Lycée se protège contre les bombardements en entassant des sacs de sable.

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Au lycée alors : Lanza Del Vasto, Francis Poulenc, Marcel Pagnol en tant que professeur d’anglais…

Raymond Aron fut un très brillant élève de Khâgne. L’appréciation de son professeur de philosophie n’en comporte pas moins de légères réserves :

« Très intelligent. Des connaissances. De la vigueur d’esprit. A besoin d’apprendre à voir les questions plus simplement. »

Trois années plus tard, Claude Lévi-Strauss fréquente à son tour la Khâgne de Condorcet. Son professeur d’histoire notait :

« Du travail et progrès marqués. Encore une tendance trop marquée à l’abstraction et à la thèse. »

Au Lycée : Bao Dai, qui sera le dernier Empereur du Vietnam ; et peu avant la seconde Guerre Mondiale, Boris Vian.

De 1941 à 1944, Jean-Paul Sartre enseignera la philosophie en classe préparatoire.

C’est l’époque où il fait, au théâtre, jouer Les Mouches et Huis Clos. Sur un bulletin d’élève, on lit de la main de Sartre :

« Invisible » ;

cette appréciation montre que si le style du philosophe fut quelquefois prolixe, celui du professeur savait être laconique.

Au lycée également : Serge Gainsbourg ; et Gilbert Cesbron qui fera dire à l’un de ses jeunes héros, lorsqu’il pousse la porte du Lycée, « Notre prison est un royaume », titre de l’un de ses romans les plus connus.

Le mceclip10 - 2019-11-26 11h10m02ss photos datant de l’après-guerre indiquent à l’évidence que les héros du cinéma américain ont trouvé des émules parmi nos grands élèves.

Comme beaucoup de grands lycées parisiens, Condorcet eut un temps une annexe en banlieue, appelée à prendre son autonomie (actuel lycée Joliot-Curie de Nanterre).

 
 
 

 

Dans les années 50, de nombreux anciens du Lycée occupent la scène artistique ou littéraire : Jean Marais, Bernard Blier, Pierre Lazareff, Jean Nohain et Roger Ikor, romancier qui fut élève puis professeur à Condorcet.

1963 : première femme professeur au Lycée

1972 : Anne Chopinet sera la première jeune fille à intégrer l’École polytechnique, et coup de maître, à intégrer major. Revanche féminine sur un long règne d’exclusivisme masculin au Lycée.

D’autres anciens de Condorcet ont accédé à la célébrité. Citons par exemple les journalistes Dominique Lapierre, Michel Field, Pierre Bénichou ; Michel Ciment, historien du cinéma et les chanteurs Maxime Le Forestier et Jacques Dutronc.

Terminons par la photo du corps professoral : en 1904.

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  • Recherches, Images et Commentaire : Danielle Henniquau – Joël Dubosclard
  • Recherche documentaire : Brigitte Vassogne
  • Réalisation : Antoine Henniquau